Le Suicide
178 pages
Français

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Description

« Le suicide, acte terrible, tragique, troublant. Comportement complexe aussi, universel et intemporel, qui éclaire notre nature humaine. De la pensée aux actes, de la vulnérabilité à la crise, laissez-vous conter l’histoire d’une tentative de compréhension scientifique. Une histoire qui nous mènera d’une vallée isolée des Philippines à une banque de cerveaux au Canada, de l’Antiquité à la crise économique de 2008, du stress à la sérotonine, de l’ADN aux maltraitances infantiles, de la personnalité à la prise de décision et au cortex préfrontal. Une histoire humaine, vous dis-je ! » F. J. Une enquête passionnante, un regard différent sur les conduites suicidaires pour permettre de mieux comprendre les individus vulnérables et les aider. Fabrice Jollant a été chef de clinique-assistant des hôpitaux à la faculté de médecine de Montpellier et chercheur invité à l’Institute of Psychiatry de Londres. En septembre 2010, il a rejoint l’Université McGill et le groupe McGill d’étude du suicide de l’Institut Douglas à Montréal au Canada comme professeur adjoint de psychiatrie et psychiatre consultant. Il partage actuellement sa vie entre le Québec et la France. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 mars 2015
Nombre de lectures 10
EAN13 9782738167118
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , MARS  2015
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-6711-8
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
À mes enfants
Introduction

Le suicide est un acte brutal qui hante la vie de beaucoup d’entre nous, suicidaires, suicidants, proches ou soignants. Le suicide, c’est l’incompréhension et la douleur, la culpabilité et la colère, la fuite et le deuil. C’est des jeunes qui partent trop tôt, des vieux qui partent pas comme il faut, des familles amputées. Le suicide, c’est la fin de Stefan Zweig, d’Ernest Hemingway, de Marilyn Monroe, de Romain Gary, de Van Gogh. C’est plusieurs milliers d’inconnus chaque jour.
Au-delà de l’émotion, le suicide est aussi un acte qui éclaire notre condition d’être humain. Il expose les moyens dont nous sommes pourvus de vivre notre environnement, interagir avec lui, pour lui répondre. Il souligne notre existence compliquée avec nous-mêmes, notre faux sentiment de liberté, la place de notre conscience, une compagne ambiguë. Il nous révèle notre histoire familiale et, au-delà, nous lie à l’histoire de l’humanité. Il nous entraîne dans cette double quête de sens et de causes propre à l’homme. Le suicide est une petite fenêtre ouverte sur la nature humaine.
Comme pour tout comportement, comprendre le suicide nous oblige à l’observer sous différents angles, de la culture au cerveau, des nations aux cellules, des pensées aux gènes. Une conséquence fâcheuse est une déroutante multiplication des domaines de recherche qui tendent à être cloisonnés au risque de perdre de vue toute unicité. D’importants progrès, tant méthodologiques que techniques (et j’ajouterais théoriques avec l’affaiblissement des grandes idéologies scientifiques), ont conduit à la production de nombreuses données de qualité, mais dont la lecture nécessite souvent une expertise qui éloigne ces résultats de celui qui en a le plus besoin (et qui finance la recherche publique) : vous. Ajoutez à cela que la somme des données acquises est considérable, sa croissance exponentielle, et son accès souvent protégé par des éditeurs dont le but n’est pas la dissémination philanthropique des connaissances mais le commerce. Pourtant, de la sociologie à la psychologie, de la biologie cellulaire à la génétique, l’étude des comportements humains, des plus fréquents aux plus rares, a bénéficié de nouveaux éclairages ces dernières années. Ce livre se propose de vous guider dans la jungle des résultats accumulés par l’étude d’un des comportements les plus déroutants.
 
J’ai choisi d’organiser ce voyage en trois parties. La première partie aura pour objectif de montrer que le suicide peut être envisagé dans une quadruple continuité : continuité spatiale (on le trouve partout sur terre et certaines de ses caractéristiques sont universelles), continuité temporelle (il est décrit depuis longtemps et certaines caractéristiques sont retrouvées au cours des âges), continuités d’espèce (les autres animaux ne se suicident probablement pas mais on peut parfois décrire chez eux des comportements voisins) et continuité de formes (les conduites suicidaires comprennent plusieurs types d’acte qui sont à la fois différents et apparentés). L’idée générale de cette partie sera d’introduire la problématique des conduites suicidaires, tant dans leurs contextes que leurs définitions.
La seconde partie entrera dans le cœur de la crise suicidaire, cette pente glissante qui mène l’individu de la pensée au geste. Nous parlerons de souffrance et de perte d’équilibre. Car le suicide n’est sûrement pas l’acte rationnel d’un individu libre, fort de tous ses moyens psychiques. Le plus souvent, le suicide est l’exact opposé de la liberté. Le suicide, c’est l’acte solitaire du désespoir total d’un individu.
La dernière partie fera le point sur le concept de vulnérabilité. Nous sommes tous différents, et cela est une chance. Dans le même temps, certaines de ces différences peuvent être des forces et à l’occasion des faiblesses. Et certaines de ces faiblesses sont à l’occasion la voie vers le suicide. C’est dans cette partie que nous ferons le plus le grand écart en termes de méthodes d’étude, entre la psychologie, la génétique, la neuropsychologie et l’imagerie cérébrale.
Ce livre est forcément incomplet car chacune des approches du suicide nécessiterait un livre en soi : la sociologie du suicide, la neurobiologie du suicide, la psychologie du suicide. Ces livres existent, je vous invite à les consulter si vous souhaitez approfondir la question. J’ai aussi intégré la prévention du suicide dans chacun des chapitres plutôt que d’en faire un chapitre à part. Question de style. Ici encore, je renvoie le lecteur intéressé aux ouvrages spécialisés. L’objectif du présent ouvrage n’est pas d’être un guide exhaustif et détaillé. Toutefois, gardez en tête que, quel que soit le domaine d’étude et malgré tous nos progrès, notre connaissance du suicide reste très partielle, expliquant une périlleuse prédiction et une difficile prévention.
Je ne vous vendrai donc pas l’idée que vous saurez tout du suicide à la fin de la lecture de cet ouvrage. Je vous propose seulement de vous accompagner dans la découverte du travail de centaines de personnes, chercheurs et étudiants, qui chaque jour donnent leur temps et leur énergie à tenter d’appréhender ce phénomène. Un principe essentiel sera de donner la parole à la science, cette méthode qui n’est certainement pas infaillible, qui peut occasionnellement être exposée aux débordements humains de l’interprétation erronée et de la fraude, mais qui est à mes yeux le meilleur moyen connu de tenter de comprendre notre monde et ce qui s’y déroule.
 
Avant de commencer, je tiens à remercier ma famille pour son amour et son soutien.
Je remercie aussi mes collègues de travail et mes étudiants. Merci à tous les gens que j’ai rencontrés ces dernières années, ici et là dans le monde, et avec qui j’ai planché sur le sujet : Philippe Courtet pour son enseignement et son amitié, Mocrane Abbar pour m’avoir le premier donné la chance d’écrire, Didier Castelnau, Mary Phillips, Natalia Lawrence, Émilie Olié, Sébastien Guillaume, l’équipe de l’Inserm, Gustavo Turecki, Mimi Israël et Martin Lepage pour leur accueil à McGill, Antoine Bechara, Charles Macdonald pour sa confiance et son enseignement humaniste et bien d’autres.
Merci aussi à mes patients de leur confiance et de leur enseignement.
Merci aux Palawans de leur accueil chaleureux et de leur humanité.
Merci à tous les auteurs et artistes qui m’ont fait grandir et rêver.
Mes remerciements chaleureux aux docteurs Mocrane Abbar et Philippe Courtet pour leur relecture attentive de ce livre. Merci aux docteurs François-Xavier Roucault et Stéphane Richard-Devantoy pour leurs commentaires de la toute première version de la première partie.
Merci au professeur Jean-Pierre Olié de m’avoir proposé d’écrire ce livre, et merci à Odile Jacob et à son équipe de leur intérêt pour ce livre et de leur aide. Merci notamment à Caroline Rolland pour ses commentaires précieux.
 
Je vous invite maintenant à écouter une histoire naturelle du suicide.
PREMIÈRE PARTIE
CONTINUITÉS
I
À travers l’espace : universalité du suicide


Chapitre dans lequel nous commencerons par décrire un phénomène étrange, un nombre élevé de suicides dans une petite vallée perdue à l’autre bout du monde. Cela nous conduira à battre en brèche une première idée reçue, à savoir que le suicide est un problème des pays riches. Nous soulignerons aussi l’observation que les motifs (qui ne sont pas les causes) du suicide sont universels et terriblement humains. Nous dirons un mot des taux de suicide dans le monde, taux variables certes, mais pour de nombreuses raisons. Nous discuterons notamment les problèmes méthodologiques posés par la mesure des cas de suicide, et la difficulté de comparer ces taux pour des raisons allant de l’absence de données à des données peu fiables ou des méthodes de recensement différentes. Nous considérerons enfin les limites des explications macroscopiques (économiques, culturelles par exemple) du suicide.

Juillet 2012. Sud de l’île de Palawan, Philippines . Comme chaque matin, les coqs nous ont réveillés de leur chant. Le soleil se lève à peine et l’air est encore frais. Il fera chaud bientôt, très chaud et humide. C’est le mois de juin mais la saison des pluies a du retard. Nous profitons encore un peu de ce moment fragile et reposant de fraîcheur. Les yeux embrumés du sommeil interrompu, nous regardons le village s’activer. Edde, notre hôte, est déjà au travail, allumant le feu, coupant du bois, portant de l’eau. L’odeur de fumée a envahi la petite maison de bambou. Le café brûlant fait du bien. L’enfant passe dans les bras de sa mère en nous faisant des « baï-baï » amusés. Une nouvelle journée de travail commence. Car si cette maison ouverte aux quatre vents ne ressemble pas à mon bureau de Montréal, c’est ici même que, dans peu de temps, autour de cette table sur laquelle nous mangeons pour le moment un bol de céréales et une ou deux bata-bata 1 savoureuses, c’est ici même donc que nous reprendrons notre travail de chercheur abandonné le temps de la nuit. Nous y recevrons des témoignages. Charles posera en langue palawan une série de questions que nous avons établies puis me traduira les réponses que

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