Birmanie. Par-delà l ethnicité
274 pages
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Birmanie. Par-delà l'ethnicité , livre ebook

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Description

Avec quelque cent trente-cinq groupes ethniques officiellement recensés, une approche « identitaire » de la Birmanie contemporaine semble primer. Mais si l’on veut comprendre le « pays aux mille pagodes », mieux vaut, selon l’anthropologue François Robinne, s’intéresser aux dynamiques relationnelles sous-jacentes : réseaux villageois, alliances matrimoniales et entraides religieuses. Par-delà l’ethnicité, donc, mais dans le respect des différences, ce livre est aussi un voyage singulier dans les pas d’un intime de l’Asie du Sud-Est, depuis les hautes terres de Birmanie jusqu’aux enclaves de Bangkok.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 octobre 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782902039173
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0090€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

À la lectrice, au lecteur
Maurice Godelier
Médaille d’or du CNRS
Prix de l’Académie française
L’anthropologie est la seule science sociale qui impose aux chercheurs de s’immerger de façon prolongée dans les modes de vie et de pensée d’une autre société que la leur et dont ils n’avaient jamais eu l’expérience dans leur existence. Peu à peu, l’anthropologue, s’il a réussi à nouer des liens d’amitié et de travail avec ceux qui l’avaient accueilli parmi eux, découvre et comprend leurs façons de penser et d’agir, et peut alors en témoigner parmi nous. Ce n’est pas seulement de leur temps présent qu’il va témoigner, car une grande part de l’identité d’une société est faite d’un passé toujours présent et de récits, de moments de gloire ou de blessure, à vif dans la mémoire.
Dans le monde où nous vivons, et où l’hégémonie séculière de l’Occident est en train de disparaître, mais n’est pas oubliée de ceux qui l’ont subie, où des puissances nouvelles revendiquent de continuer à se moderniser sans plus s’occidentaliser, la connaissance de ce que font et sont les sociétés autres que les nôtres, est plus que jamais importante et doit être partagée par les jeunes générations.
C’est pour ces raisons que l’initiative de créer une nouvelle maison d’édition, Dépaysage, et de la consacrer en priorité à la publication d’ouvrages d’anthropologie est à la fois une entreprise courageuse et importante. On n’en saura jamais assez sur les autres, et grâce à eux, sur nous-mêmes.


 
 
Éditeur Amaury Levillayer, PhD
Réalisation éditoriale © Jean-Luc Didelot — cartographie et illustration originale de la première de couverture Joël Faucilhon — numérisation Marie-Laure Jouanno — conception graphique, réalisation et adaptation de l’illustration de couverture Éric Levillayer — correction © Olivier Mazoué — logotypes
Édité par © Éditions Dépaysage, 2021
ISBN (papier) : 978-2-902039-16-6 ISBN (epub) : 978-2-902039-17-3
En application de la loi du 11 mars 1957 (article 41) et du code de la propriété intellectuelle du 1 er  juillet 1992, toute reproduction partielle ou totale à usage collectif de la présente publication est strictement interdite sans autorisation expresse de l’éditeur. Il est rappelé à cet égard que l’usage abusif et collectif de la photocopie met en danger l’équilibre économique des circuits du livre.


François Robinne
Birmanie. Par-delà l’ethnicité
Préfacé par Michel Agier
Directeur d’études à l’EHESS Directeur de recherche à l’IRD



Préface de Michel Agier
Retours sur le cosmopolitisme
Soixante-dix années de guerre civile, dont cinquante sous régime dictatorial, dans un pays en forme de mosaïque ethnique figée, peuvent donner l’impression que les ethnies et le nationalisme ont formé depuis l’Indépendance de 1947 la réalité de la vie collective des habitants de la Birmanie. Constitutionnellement, la forme du pays est celle d’un large centre – géographique et ethnique – où vit la majorité d’ethnie birmane et de religion bouddhique, entouré de zones-frontières peuplées de minorités ethniques et religieuses. Cette partition interne est mise en œuvre par le découpage administratif du pays en cent trente-cinq ethnies et trois citoyennetés distinctes, plus un statut de résident sans citoyenneté (le n° 11 de la très officielle ethnic coding list de l’administration). C’est un régime par définition séparatiste et conflictuel voire, tout simplement, invivable. C’est dans cet imaginaire et ce gouvernement ethnopolitiques de l’État postcolonial que s’inscrit la tragédie du nettoyage ethnique des Rohingya, produits en « étrangers ennemis », résidant sans citoyenneté birmane sur le sol birman (le fameux n° 11), comme d’autres minorités du pays (ou de ses marges), mais de la manière la plus exacerbée et violente. La souffrance et l’indé­sirabilité des Rohingya d’aujourd’hui peuvent être celles d’autres minorités demain.
Pourtant, cette fiction politique ne correspond pas à la vie réelle des Birmans, dont l’anthropologue François Robinne observe depuis des décennies les échanges, les mélanges, les traductions et déplacements. Il y a mené ses recherches et une bonne partie de sa vie depuis les années 1980. Il est donc mieux placé que quiconque pour parler de l’emprise essentialiste de l’ordre politique du pays et de ses effets violents, et pour en construire la critique de l’intérieur . Donné d’emblée comme cadre épistémique officiel de la nation, l’ordre identitaire a aussi déterminé le biais ethniciste des regards – internes et externes, politiques, journalistiques ou scientifiques – sur le pays. L’auteur le sait bien et nous le dit, car l’ouvrage est un récit personnel en même temps qu’une découverte des profondeurs anthropologiques du pays, un récit dans lequel l’anthropologue cosmopolite d’aujourd’hui raconte et explique comment ses enquêtes et son vécu l’ont amené progressivement depuis les cadres ethno-logiques de ses premières explorations (aux prises avec la fausse « évidence identitaire ») à l’analyse inter­ethnique puis transethnique, et enfin au cosmopolitisme qu’il théorise comme le cadre de la vie ordinaire de tous les humains. En outre, comme je l’ai fait moi-même à partir d’autres sources, toute sa démarche montre que la critique du piège identitaire va nécessairement de pair avec celle du nationalisme non seulement politique, mais aussi méthodologique.
Cet ouvrage est un voyage, où les explorations ethnographiques nourrissent en permanence des élaborations théoriques in progress . Dans le cadre de cette préface, je relèverai trois raisons majeures de lire, commenter et travailler avec ce livre important. D’abord, François Robinne conteste et renverse la taxonomie naturaliste des « peuples et cultures » qui composeraient ladite mosaïque ethnique de la Birmanie dessinée selon le principe, classique en ethnologie mais aujourd’hui largement contesté, des tableaux d’identités culturelles figées comme des collections de plantes ou de papillons. Il rappelle, comme on le voit aussi dans les histoires africaine ou amérindienne, la part prise par le colon – britannique, ici – dans ce regard. L’administration coloniale a produit la « violence épistémique » (selon les termes de Gayatri Spivak 1 ) à l’origine de ces classifications ethniques du sujet colonial au moment de la « pacification » des hautes terres birmanes à la fin du xix e  siècle.
L’exemple des Kachin, au nord-est de la Birmanie, illustre bien cette déconstruction de l’ethnie. Si le clan (exogame) représente le cadre solide et effectif de l’organisation de la vie sociale (communautaire donc mais jamais fermée puisqu’intégrée dans des cycles d’échange généralisé), l’ethnie en revanche est une entité plus floue, essentiellement politique et relationnelle, alors même qu’elle se décline comme une identité crispée et figée. Et il n’y a pas d’encastrement parfait du ou des clans dans l’ethnie. Historiquement, l’inclusion du clan (ouvert) dans l’identité ethnique (fermée) est un raccourci qui est devenu le modus operandi de « l’État ethnique » défini en fonction de ces frontières ethniques extérieures à la logique réelle des existences. C’est ce raccourci erroné que l’auteur nomme « réification ethnique » et qui s’exprime essentiellement dans le champ politique national, et durablement.
Ensuite, le livre montre que la meilleure réponse possible à ces fictions naturalistes et identitaires est l’observation ethnographique, longue et patiente, grâce à laquelle François Robinne a découvert des situations de plus en plus hétérogènes. Au cadre politique d’un État ethniciste et nationaliste, il oppose l’écheveau complexe des « carrefours sociaux », le point fort de sa démonstration. Défenseur d’une anthropologie situationnelle, résolument contemporaine et attentive aux dynamiques, crises et conflits, je ne peux que saluer et partager la démarche qui, tout en étant microlocalisée dans ses enquêtes, évite la classique myopie de l’ethnologue en ouvrant la focale vers le lointain sans perdre de vue le très proche.
François Robinne fait donc le choix, à partir des années 1990, d’observer les « réseaux d’échanges villageois » qu’il décrit très vite comme interethniques puis transethniques. Ce qu’on comprend en le lisant, c’est que c’est la réalité, et pas seulement l’enquête, qui est multilocalisée. Le mystère à comprendre est comment toute cette diversité « tient ensemble », écrit-il, ou forme des touts composites. La réponse se trouve dans les « carrefours sociaux » qui sont au départ des « paysages hété­rogènes ». Ces carrefours et paysages multilocalisés me sont familiers : ce sont, de mon point de vue, autant de situations de frontières qui caractérisent la condition cosmopolite en général, pour autant qu’on entende la frontière au sens large, c’est-à-dire comme tout ce qui met une personne, une culture et une identité à l’épreuve de l’altérité. Cette conception élargie suppose également que la frontière puisse être aussi bien spatiale (culture/nature, urbain/rural), géopolitique (nationale ou régionale), socioéconomique (frontières des classes), linguistique (incompréhensions, traductions et apprentissages des langues), religieuse (bouddhistes, animistes, chrétiens, musulmans), etc. Tout se joue, tout passe et tout se déconstruit et reconstruit aux frontières. L’enquête ethnographique et la longue fréquentation des hautes terres aux confins de l’Himalaya (là où vivent certaines desdites minorités) comme celles des enclaves de travailleurs birmans exilés à Bangkok, permettent de décrire ces carrefours sociaux et d’étudier leur « propension inclusive » en même temps que leur hétérogénéité. Cette approche, qu’on pourrait qualifier, en paraphrasant Georges Perec, de multiples tentatives d’épuisement de paysages hétérogènes, est en effet, comme le souhaite l’auteur, une contribution importante à la réflexion sur la condition cosmopolite.
C’est sur ce dernie

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