Les Sept Jean
296 pages
Français

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Description

« Une fois de plus, les haut-parleurs du camp militaire diffusent l'hymne à la gloire du Grand Timonier du peuple, mais Wang est à présent bien loin de sa petite tente et du lit de camp ; plongé dans un profond sommeil, il rêve d'une grande fête où il retrouve ses amis. Wang restera au service de l'armée jusqu'en juin 1950, juste avant le lancement de la campagne “réforme de la pensée de l'été 1950” ayant pour but de sensibiliser les intellectuels aux “idées nouvelles”. Wang pense que certaines idées sont intéressantes : écrire d'une façon moins littéraire afin que les gens du peuple puissent lire facilement journaux et livres. Néanmoins, à force d'utiliser un langage simplifié de la sorte, pourra-t-on encore comprendre les écrits des grands poètes chinois dans une cinquantaine d'années ? Le gouvernement a déjà banni les films américains des salles de cinéma suite à la campagne “Résister à l'Amérique, aider la Corée”... » 1941. Dans les rues de Shanghai occupée par les Japonais, les Chinois nationalistes et communistes se battent. Au milieu de ce chaos, sept jeunes Chinois font connaissance sur les bancs du lycée Aurore de la concession française. Ils se font baptiser et prennent le même prénom de Jean. Ils deviennent ainsi les Sept Jean, et leur destin se mêlera au tourbillon de la grande histoire... Récit véridique se déroulant sur près de huit décennies, la fresque de Michel Lo et Martina Niernhaussen, à mi-chemin entre chronique sociohistorique et saga familiale, s'impose avant tout comme une formidable histoire d'amitié.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 29 juin 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342162103
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0090€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les Sept Jean
Michel Lo & Martina Niernhaussen
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Les Sept Jean

Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
Toute ressemblance avec une personne existante n’est en aucun cas le fruit du hasard ;-)
 
Ce livre est dédié aux Sept Jean, ainsi qu’à leurs épouses et à leurs enfants.
Les Sept Jean
Chén Zu ǒ shùn :        陈佐舜
Yáng Jiàntíng :        杨建廷
Cáo Zhònghuá :        曹仲华
Wú Fúzhù :        吴福铸
Luō Yu ǎ njùn :        罗远俊
Wáng Zhènyì :        王振义
Zhāng Chuánjūn :        张传钧
 
Toute notre reconnaissance à Jean Lo et à Wang Zhen Yi, les survivants, et à tous ceux qui nous ont apporté leur témoignage et leur soutien.
Mille mercis également au professeur Degos pour son aide, ses explications scientifiques et sa révision des termes et processus médicaux. Du fond du cœur merci aussi à tous nos relecteurs.
 
Les sources historiques fiables sont peu nombreuses et difficiles à lire pour qui déchiffre mal les idéogrammes. Un grand merci aux traducteurs bénévoles, parmi lesquels Jean Lo et sa femme, Jeanne, et pardon aux historiens qui auront la patience de nous lire et pourraient relever quelques inexactitudes. Ce récit est l’histoire de chemins croisés dans la tourmente de l’histoire.
Précision sur les caractères chinois
La transcription phonétique du chinois a changé entre le début et la fin du récit. Nous avons choisi de simplifier et de garder la notation pinyin pour éviter des transcriptions différentes d’un même nom entre le début et la fin du récit. Deux exemples : Jean n° 7 s’appelait Tchang et, à partir de 1979, il s’appelle officiellement Zhang dans la version alphabétique du mandarin ; ou la fameuse bière chinoise Tsing Tao (transcription Efeo), fabriquée dans la ville de Qingdao, autrefois… Tsingtao. Son nom en idéogrammes est ⻘岛, littéralement « l’île verte ».
Rappelons qu’en 1958 à peine 20 % de la population chinoise parlait le mandarin : 90 % le parlent aujourd’hui. Cette « alphabétisation » du mandarin a été une clef essentielle pour le lien entre les idéogrammes chinois et l’informatique.

Photo 1 : Plan de Shanghai dans les années 1940

Photo 2 : Le Bund avant la Seconde Guerre mondiale

Photo 3 : Le tramway shanghaïen


Photo 4 : Les Sept Jean et leurs épouses (photos d’époques différentes)
Chapitre I. 1941, année du bac
— Je vous prie de m’excuser, bredouille Luō Yu ǎ njùn dans un français hésitant. Courant à vive allure avenue Joffre, il a failli bousculer un élégant couple d’étrangers. Sans doute s’étaient-ils promenés dans le parc de Ravinel. « Le français, quelle langue étrange, pense le jeune Chinois. Pas trop compliqué lorsque c’est écrit, mais la façon de prononcer les mots tout attachés comme si une phrase entière n’en était qu’un seul rend la chose bien compliquée. » Luo se rappelle ses débuts difficiles : un « Noiseau », deux « Zoiseau », quatre « Troiseau », cinq « Koiseau ».
La cloche de l’église Saint-Pierre sonne cinq coups. Une fois de plus Luo est en retard. Il repousse une mèche rebelle de cheveux noirs qui lui cache l’œil gauche et reprend sa course, mais comment courir sans bousculer des gens ? Les trottoirs grouillent de passants, de charrettes et de pousse-pousse, la chaussée est encombrée par d’innombrables bicyclettes, camions, luxueuses limousines et le fameux tramway de Shàngh ǎ i. Luo tourne rue Eugène-Bard, s’engouffre dans une allée, prend à gauche, puis à droite et pénètre dans un autre monde. Disparus les immeubles cossus et les somptueuses villas de part et d’autre d’une avenue bordée de platanes. Dans cet étroit passage où tout est recouvert d’une poussière rouge, on aperçoit les entrées des lilongs 1 , véritables dédales de minuscules ruelles. Un vendeur de bouillie de riz touille dans sa marmite offrant à Luo un large sourire édenté. Plus loin un petit restaurant ambulant confectionne des raviolis à la vapeur et un enfant-marchand propose des petits pains chauds au sésame. Que d’odeurs, que de vacarme ! Des gosses crasseux jouent bruyamment à la guerre, tandis que des femmes se disputent en étendant du linge à côté de gros poissons qui sèchent au soleil. Malgré tout ça Luo reconnaît les lambeaux de la musique qui s’échappe d’une lucarne entrouverte : un passage de l’opéra Le Pavillon des Pivoines . Bien s’il préfère de loin le répertoire de l’opéra de Pékin, Luo apprécie cet air très raffiné de style Kungu ; à pleins poumons, il en chante la réplique suivante en enjambant le seuil de pierre d’une shikumen. C’est dans la pièce du fond qu’il apprend à écrire à des enfants démunis. Ensuite il rejoindra ses amis qui l’attendent pour leurs exercices de prise de parole en public.
— Pour réussir dans la vie il faut savoir exprimer clairement ses idées, avait dit Wáng Zhènyì à ses camarades il y a quelques mois.
— Avoir une bonne diction, ne pas bafouiller ! avait renchéri Wú Fúzhù. On pourrait se réunir chez moi, on choisit un sujet au hasard, l’un de nous fait un exposé et les autres critiquent. Qu’en dites-vous ?
Les sept inséparables copains de la classe de terminale du lycée Aurore avaient trouvé l’idée excellente. Les toutes premières rencontres eurent lieu dans l’appartement de Wu, route Joseph-Frelupt 2 , mais très rapidement ils décidèrent de se réunir dans le jardin de l’oncle de Wang, véritable paradis terrestre qu’embaumaient, selon la saison, des dizaines de lauriers roses ou des grands magnolias. De plus, l’oncle leur offrait toujours de délicieuses choses à grignoter.
Aujourd’hui une servante apporte un grand plat de graines de pastèques grillées.
— Cela nous fera patienter en attendant les autres, remarque le très beau Wang souriant de ses adorables fossettes.
Il tend le plat à Wu qui se lance dans une mystérieuse théorie sur la création du monde : au début l’univers était très dense et là, il est en pleine expansion. Personne n’y comprend rien et ne voit d’ailleurs pas très bien quelle importance cela peut avoir dans les difficultés quotidiennes mais c’est du Wu tout craché ! Ce qu’il raconte donne une telle vision lumineuse de l’univers que les auditeurs en sont fascinés, même si plus tard ils sont incapables de restituer quoi que ce soit de ce qui leur semblait limpide. C’est l’effet « Wu ». Doté d’une intelligence hors norme, il est considéré par tous ses amis comme le plus brillant de la bande. Cáo Zhònghuá ferme le manuel technique qu’il feuilletait et se rapproche pour mieux écouter, tandis que Zhāng Chuánjūn, qui travaillait un trait d’une symphonie de Mozart, pose son violon, intrigué lui aussi. Mais le récit de Wu est interrompu par un bruit de sonnette. Deux bicyclettes entrent en trombe dans le jardin.
— Good evening, dear friends  ! claironne en anglais Chén Zu ǒ shùn, que tous surnomment le polyglotte .
— Vous allez bien  ? ajoute simplement Yáng Jiàntíng en posant sa bicyclette. Luo termine une leçon, il sera là dans cinq minutes.
Dans ce jardin de la « petite France » entouré par les grilles de fer de la rue Gaoan, juste derrière la route André-Cohen, on se sent en sécurité. Le grand Shàngh ǎ i à cette époque se compose de l’ancienne cité chinoise, de la concession internationale et de la concession française. En 1941 il est bien difficile d’y vivre. Il y a quatre ans, trois personnalités, Loh Pah Hong, Wang Yiding et Ku Shingyi, avaient généreusement consacré leur fortune au petit peuple en achetant de grandes quantités de riz pour créer une aide alimentaire. Ils avaient été abattus pour d’obscures raisons idéologiques, probablement par les communistes. Depuis, personne à Shanghai n’avait osé reprendre le flambeau. Lorsque les Japonais envahirent les provinces du nord de la Chine, de longues colonnes de réfugiés arrivèrent aux abords de la ville. Puis il y eut la bataille et la prise de Shanghai. Les troupes nippones s’installèrent à Hongkou, dans la partie nord de la concession internationale qui fut rebaptisée Little Tokyo. Mais dans la rue les Chinois se battent aussi entre eux et on ne sait plus très bien ce qui se passe entre l’armée chinoise nationaliste et celle des communistes. Tour à tour elles s’entre-tuent ou s’entraident pour combattre l’occupant japonais 3 . Pour compliquer le tout, il y a aussi les règlements de comptes entre trafiquants et triades.
Mais voilà qu’enfin Luo arrive, à bout de souffle après une nouvelle course à pied. L’exercice d’orateur peut commencer. Aujourd’hui c’est au tour de Yang. Il se lève, toussote nerveusement et annonce, en se balançant d’un pied sur l’autre :
— Chers amis, je vais vous parler d’un personnage qui a beaucoup fait pour les pauvres de Shanghai, le père Jacquinot de Besange que tout le monde ici appelle le curé de Nantao.
— Non, tu te tiens mal, redresse-toi  ! critique Wu avant de rajouter en souriant : Tu es le plus sportif du groupe, tu as un corps d’athlète, tu en jettes quand tu te tiens bien droit.
— Puis tu aurais pu regarder ton assemblée et respirer à fond avant de commencer, suggère Wang .
— C’est vrai, ce n’était pas terrible, je recommence .
Il prend une grande inspiration et raconte comment le père jésuite contribua à sauver la vie de centaines de milliers de réfugiés lors de l’invasion japonaise en novembre 1937. Le texte de Yang est bien préparé, l’intonation de la voix est claire, pleine de vie, et son exposé,

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