La Retraite d'Eugénie

Bernard Henninger

Description

Eugénie s'était rendue à pied visiter la maisonnette que le vendeur lui avait proposée, et il s'était senti tenu de l'accompagner. Tout en marchant, elle avait découvert le Regroupement flambant neuf des Chiatsky, entouré d'une jolie clôture de bois à claire-voie, au centre-ville. Tout en écoutant le vendeur lui vanter ce qu'il nommait « Villa », Eugénie les avait regardés déambuler : les plus grands émettaient de vagues borborygmes, certains portaient leurs petits sur les épaules. Eugénie avait demandé si le Regroupement allait durer. Il avait paru gêné...

Nouvelle primée en 2017 au concours « Visions du futur » organisé par Présences d'Esprits

Sujets

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• Littérature

Informations

• Publié par: blogger-de-loire
• Nombre de lectures: 1
• EAN13: 9782958043513
• Langue: Français

Extrait

Bernard HENNINGER




La Retraite
d'Eugénie


Nouvelle









Editions BLOGGER DE LOIRE
Table des matières LA RETRAITE D'EUGÉNIE
Points de repère Table des matières Couverture
 

















Illustration de couverture : Jean-Michel PRATS

© Bernard HENNINGER - 2017
© Première publication :
    AOC revue éditée par Présences d'Esprits N o 46

Editions BLOGGER DE LOIRE - 2020
3, rue Maurice-Berger, 45000 ORLEANS


ISBN 978-2-9580435-1-3
LA RETRAITE D'EUGÉNIE 


à Brigitte Rivoire


Eugénie s'était rendue à pied visiter la maisonnette que le vendeur lui avait proposée, et il s'était senti tenu de l'accompagner. Tout en marchant, elle avait découvert le Regroupement flambant neuf des Chiatsky, entouré d'une jolie clôture de bois à claire-voie, au centre-ville. Tout en écoutant le vendeur lui vanter ce qu'il nommait « Villa », Eugénie les avait regardés déambuler : les plus grands émettaient de vagues borborygmes, certains portaient leurs petits sur les épaules.
En arrivant, Eugénie avait demandé si le Regroupement allait durer. Il avait paru gêné et il avait bafouillé avant de reprendre son boniment. Eugénie n'avait rien dit de particulier, cette maison grise et étroite, avec deux étages minuscules — une chambre chacun ! –, était encore au-dessus de ses moyens. C'était son rêve de vingt ans que de ne plus subir les immeubles crasseux de Paris, mais même une aussi petite bicoque dépassait ses économies. À cette pensée, elle avait soupiré ; légèrement anxieux, le vendeur lui avait assuré qu' ils ne resteraient pas longtemps, et comme Eugénie ne répondait pas, – pas assez vite à son gré –, il avait révisé son prix, suffisamment pour qu'Eugénie, surprise, admette qu'elle aurait eu mauvaise grâce à refuser une telle offre.
Avant ce jour, elle n'avait vu de Chiatsky que sur les grands écrans de rassemblement, ils étaient très différents de ce que prétendaient les Originalistes. Les Russes, avec qui s'était effectué le premier contact, avaient déchiffré les rudiments de leur langage, et ils leur avaient donné ce nom-là, plus slave qu'extraterrestre, mais les Chiatsky – même Eugénie en avait l'intuition – auraient été bien en peine d'imposer quoi que ce soit à qui que ce soit.
Quand d'autres groupes avaient débarqué, la transition entre émerveillement et méfiance avait été brève. Quelques maires avaient démontré que le coût de leur accueil excédait le budget de leur commune, et le plus xénophobe avait répété «  qu'on ne pouvait pas héberger toute la misère du monde . ». Eugénie s'était demandé s'il espérait être comparé avec l'humaniste qui avait dit cela la première fois ? Avait-il seulement hébergé un étranger auparavant ? Pas un médiatiste n'osa lui poser la question. En réponse à ces refus, le Président créa le concept de Regroupement , Eugénie se souvenait de son annonce, mais à Paris, là où ils auraient été proches des réseaux et de leurs caméras, il n'y avait eu aucun Regroupement .
Quand elle emménagea, au gré de ses allers et retours entre le garde-meuble et sa maison, elle les aperçut qui déambulaient le long des allées du camp, sous la surveillance débonnaire de deux policiers municipaux qui effectuaient leur ronde avec la mine assoupie de gens qui s'ennuient. Il n'était pas rare de les voir faire une pause à la terrasse du café, et de plaisanter avec les consommateurs : «  Ne vous inquiétez pas ! On garde un œil sur eux !  ».
Eugénie n'eut guère le temps de s'inquiéter, sa nouvelle vie l'épouvantait et la bicoque semblait peser sur son moral. Avec ses hautes fenêtres étroites, elle lui paraissait encore plus grise, plus étriquée qu'au moment de l'achat et son jardinet à la végétation foisonnante, coincé entre des murs, la déprimait. Cependant, avec sa retraite, c'était le mieux qu'elle pouvait s'offrir.
Au Sud, à peine au-dessous de l'horizon, Paris et ses gadgets technologiques omniprésents, sa lumière et sa jeunesse dorée. Le jour où elle ouvrit la porte de son jardinet, elle avait aperçu, au Nord, les bois, et le Valois : à peine à un kilomètre. Pour une marcheuse de son calibre, c'était la promesse de longues randonnées à travers bois et collines...
Au centre-ville, quand elle faisait ses courses, elle ne pouvait s'empêcher d'observer les Chiatsky, qui lui rendaient son regard, calmement. La barrière n'était pas bien haute. Avec leur fourrure ondoyante et leurs mains griffues, ils la fascinaient... 

[ Cet extrait vous a plu ? Laissez-vous tenter pour lire la suite. L'auteur vous en sera reconnaissant. ]