La Chenille et le papillon
104 pages
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La Chenille et le papillon , livre ebook

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Description

Que peut bien devenir Kenza à qui on a sans cesse vociféré à la tronche: "Vu que tu es bête, tu quitteras l'école très tôt, tu deviendras une grosse Fatma, tu seras mariée à quinze ans et tu pondras une marmaille de mômes". Kenza connaîtra des années de "caca-blues" sur toute la ligne avant de pouvoir tutoyer son rêve : devenir prof. Kenza ouvrira les portes de son passé chaotique, un travail d'introspection qui lui permettra d'être sauvée comme on dit dans la langue de Freud et de décrocher un rouleau de diplômes. Bon, voilà, trop de diplômes mais pas de travail. Aïe, aïe, aïe ! Des diplômes comme une valise pleine de maillots de bain mais pas de passeport pour atteindre la destination. Pas de mer à porter de brasse ? Si, si... la Manche. Kenza ou la conquérante viscérale, plongée au cœur d'une histoire, qui de remises en questions en reprises en main, finira par boucler les valises. Une nouvelle existence l'attend. Celle de la chrysalide qui quitte son cocon.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 06 mai 2016
Nombre de lectures 1
EAN13 9782342051032
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0056€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Chenille et le papillon
Karima Akrouf
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
La Chenille et le papillon
 
 
 
À mes parents,
À A. the apple of my eyes
 
 
 
 
Quand je serai grande, je serai professeur.
Professeur d’anglais.
Ou maîtresse.
Ou professeur.
 
Troisième trimestre 1996, je traîne mes vingt-cinq ans et mon âme en peine, souffreteuse depuis l’enfance dans les rues de Paname, je passe mes journées à errer sans but, sans autre objectif que de fuir mes monceaux de bouquins, mes notes de révisions, tout ce qui peut me rappeler que j’ai une petite formalité à réussir avant d’avoir le droit d’être prof, ici, en France, le sacro-saint Capes.
 
Depuis des mois, je marche des heures et des heures sur les boulevards de la capitale.
Paris, ville de lumière.
Pour moi, ville de galère.
Je regarde avec un zeste d’envie et une grosse louche de mépris les parisiens s’affairer, courir pour attraper leur bus ou bien le métro, presser le pas pour rentrer chez eux bien au chaud. Ils vous bousculent sans même vous dire pardon, tellement impatients de quitter leur boulot après une journée au bureau harassante… stressante ? Les pauvres chéris, ignorants de leur propre chance, celle d’avoir un travail, ont-ils jamais su l’apprécier, la goûter ?
Et moi, et moi dans tout ça ? Je marche seule dans la capitale devenue, par la force des choses, une ville maudite pour moi, me laissant ballotter par ce flot de pressés, d’actifs débordés, attendus, trop heureux de faire à chaque pas décidé la démonstration de leur importance. Moi, rien, ni personne, ne m’attend. Je ne vais nulle part, mes déambulations ne mènent nulle part. Mes études ne débouchent sur rien de concret, mes pas ne me mènent nulle part. Ma vie ne va nulle part.
Du matin au soir et du soir au matin, des questions m’accompagnent dans mes pérégrinations, qu’est ce que je vais faire de ma vie ? Qu’est ce que je vais devenir ?
Mais que peut bien devenir une moche-débile-nulle-mal-coiffée-mal-fagotée ? Je vous le demande, même pas fichue de réussir ce bon sang de Capes alors ça lui a servi à quoi les études ? Je le vois dans vos yeux à tous, l’aurait mieux fait de travailler, l’a rien de plus que les autres, j’ai même moins, pas de frich’ti, pas de poste, j’enrage, j’enrage que vous ayez raison, à que dalle ça a servi.
Ça a servi à quoi de décortiquer tous ces textes, d’apprendre toute cette knowledge 1 sur la littérature… déjà que ça sert à rien… à rien d’ingurgiter tout ça pour être un bon professeur, enseigner efficacement aux enfants, alors si ça ne m’aide même pas à obtenir le Sésame de l’enseignement en France, à quoi bon, je vous le demande, à quoi bon tous ces coups de balai que maman s’échine à donner pour payer mes études ? Rien que d’y penser mon cœur en a des convulsions nerveuses. Ne pas y penser. Qu’est ce que je vais faire de ma vie, de ma life  ? Ca me bouffe le crâne ces questions. Arrêter de penser, c’est possible ? Quelqu’un a le mode d’emploi ? J’achète tout de suite.
Never forget : « born to be alive », Kenza.
 
 
Comment j’en suis arrivée là ? Je vais vous le dire.
Il était une fois une petite fille studieuse depuis la nuit des temps, qui avait réussi sa maîtrise à vingt-quatre ans, qui faisait la fierté familiale de ses parents, oui, papounet, ma fi, elle prépare le Capis, tu peux le répéter à tout va, Capis, Capes, voilà bien un mot qui provoquait l’incompréhension générale chez bon nombre de gens (de notre monde où les enfants commencent à travailler à peine sortis du collège, à quatorze ou seize ans) qui te regardaient avec des yeux gros comme des bigarreaux, non, mais je vous jure ! Toute forte de cette réussite, elle s’est inscrite dès la rentrée de septembre pour préparer le CAPES à l’IUFM de Paris. Pendant un an, Kenza a pris le train tous les jours depuis sa province, une heure trente de transports matin et soir pour suivre ses cours, et ça n’a pas été de la tarte étant donné que j’ai la phobie du train, allez savoir pourquoi.
J’ai travaillé comme une damnée pour tenter de décrocher ce fichu Capes. J’ai étudié sans relâche, en un mot, je suis devenue la championne du travail acharné, une bosseuse, une boxeuse, une fille qui a une revanche à prendre, quelque chose à prouver à papounet, à maman, à de gentils voisins et à de vilaines menteuses qui ont obscurci mon enfance. Je me suis vraiment donnée, toute mon énergie, toute mon attention passaient à étudier tous ces textes, à ingurgiter toutes les informations au programme. Quant à la pédagogie, il n’en est nullement question, il n’est pas question non plus de savoir si ces choses nous serviront (pfff, mon œil !) à devenir des profs brillants, il nous faut juste nous gaver de toutes ces connaissances, les bouffer pour être prêtes le jour de l’examen.
Je passais des week-ends entiers de révisions sans autre perspective que d’engranger des monceaux de connaissances, ingurgiter la littérature américaine, la civilisation anglaise, avaler des kilomètres de fiches de vocabulaire dans le seul but d’impressionner le jury, digérer la grammaire anglaise, pour le cas où je serais candidate au second tour, l’épreuve orale. On vous demande d’être une encyclopédie ambulante, d’avoir la tête pleine comme un œuf, de recracher le tout sur la table d’examen le jour J. That’s all ! et tout ça en gardant une énergie à faire pâlir une pile alcaline, bien sûr !
 
Voilà, là, il n’y a pas six mois, malgré tous mes efforts et pour la première fois de ma vie, j’ai échoué. Pas de CAPES. Loupé. En m’inscrivant au Capes, The Diplôme pour entrer dans l’enseignement, j’étais loin d’imaginer que j’allais vivre quatre années de « caca blues » sur toute la ligne. C’est à partir de ce moment-là, que je peux vous dire Messieurs Dames, et vogue la galère ! Une galère qui se déclinera au quotidien sans m’offrir le moindre répit.
 
Moi, renoncer ? Vous n’y pensez pas ! Je suis une fille pétrie de valeurs familiales, celle dont les parents ont inculqué le courage et la persévérance comme valeurs suprêmes. Rien que pour ça, je dois filer droit. J’ai fait mes valises, j’ai quitté mes parents, j’ai pris une chambre à Paris dans le 18 e , dans une résidence universitaire toute proche de l’IUFM. Je me suis donnée toutes les chances de réussir, je me suis imaginée me libérer de l’angoisse du trajet et transformer mon temps de transport en temps d’étude. Tout est donc bien en place pour que je remporte la mise haut la main !
Et me voilà.
Voilà où j’en suis.
Nulle part en fait.
 
Le cœur n’y est plus. Quelque chose s’est rompu sans doute, à mon insu. La trajectoire rectiligne, sans heurts ni mauvais aiguillage jusqu’alors s’est arrêtée net. Je tente de la reprendre, mais avec des ratés, en pointillés, tirets, diagonales biscornues et champ de bosses. L’abattement me gagne, moi la battante, je me laisse envahir par d’incessantes remises en question qui agissent comme un poison insidieux. Je viens de passer le seuil d’années vides d’espoir, un vent de défaitisme souffle sur mon existence.
 
Je ne comprends rien à ce qui m’arrive, je cherche, je voudrais bien comprendre, ça n’a l’air de rien peut-être, pour vous, mais j’ai quand même quitté mes parents, je me retrouve toute seule à Paname. Je ne vous ai pas parlé de mes parents, je crois. Les parents dont chacun rêve, ce sont les miens. Je ne les ai presque jamais quittés de ma vie, enfin, si je les ai déjà quittés une fois, dans le passé. Je vous raconterai plus tard.
 
Il n’y a pas si longtemps, avant ma traversée du désert, il y a deux ans, quand tout allait encore bien pour moi, j’étais en licence, bon, d’accord, je vous raconte. J’étais une élève studieuse, j’avais de bons résultats, un de mes professeurs d’anglais, m’a proposé de partir en séjour linguistique de six mois en Angleterre pour approfondir la langue. Il le proposait aux bons élèves, plusieurs étudiants de ma promotion ont eu la même. Dès qu’il m’en a parlé, j’ai trouvé cette idée géniale, j’ai rempli un dossier, passé un entretien avec un professeur de la faculté chargé aussi de ce séjour, et j’ai reçu un courrier chez mes parents pour m’informer que j’étais reçue !
 
J’étais folle de joie, folle d’inquiétude. Ce serait la première fois depuis… longtemps que je partirais si loin et si longtemps de ma famille. L’anxiété m’a tenu la main tout au long des préparatifs et quelques jours avant le départ, alors que je faisais ma valise, j’ai même dit à ma mère que je préparais tout, mais que je n’étais pas encore sûre de partir…
 
Et le jour J, je suis montée dans l’autocar affrété pour emmener tous les étudiants concernés jusqu’au ferry. Je ne connaissais personne en particulier, au plus j’avais croisé certains visages dans l’enceinte de la fac, échangé trois mots après les cours. Ce voyage a été interminable… déjà que tous les voyages me sont pénibles, ce jour-là j’avais l’impression d’aller au bout du monde, le sentiment diffus et profond d’abandonner mes parents et mes frères, qu’allait-il leur arriver, que pouvait-il se passer en mon absence ? Je sentais la mort rôder autour de moi comme si de partir, de les abandonner, de devenir absente auprès d’eux, comme si l’absence, c’était la mort.
Une fois arrivée là-bas, ça a été très difficile dès le départ. Nous étions trois étudiantes françaises à nous partager une maison mise à notre disposition dans le cadre de l’échange. Tout était fait pour nous simplifier la vie, la maison était à cinq minutes de la fac,

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