Vie et survie de la Ve République : Essai de physiologie politique
104 pages
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Description

La Ve République a 60 ans. C’est toujours un moment complexe, pour un régime politique, que de passer ainsi un cap au-delà duquel la communauté nationale qui le sous-tend n’a plus de rapport historique direct avec les circonstances de son apparition ni avec la mémoire des origines qui en découla. Ainsi, qu’on se déclare favorable à son maintien ou qu’on en critique au contraire les défauts supposés, le verdict ou le diagnostic sont toujours formulés par rapport à aujourd’hui. Or c’est bien dans la durée de ses six décennies d’existence que l’on peut analyser la situation actuelle de cette République. D’autant que celle-ci est née au cœur des Trente Glorieuses et qu’elle apparut à l’époque comme la forme institutionnelle modernisée d’un écosystème républicain qui avait déjà connu, avant elle, une longue histoire. Dans un monde qui a radicalement changé en soixante ans, et qui se trouve de nos jours placé sous le double signe de la globalisation et d’une crise apparente des démocraties libérales, qu’en est-il de l’État-nation France et de la survie éventuelle de la République cinquième du nom ? Ce livre, par des allers-retours entre l’histoire des proches décennies et la situation de la France contemporaine, tente de répondre à de telles interrogations. Jean-François Sirinelli est professeur émérite d’histoire contemporaine à Sciences Po. Spécialiste de la Ve République et des mutations socioculturelles de la France contemporaine, il a publié de nombreux ouvrages qui ont fait date, dont récemment Les Révolutions françaises. 1962-2017. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 29 août 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738144966
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , SEPTEMBRE  2018 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-4496-6
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Composition numérique réalisée par Facompo
À mes parents, nés sous la III e  République. À Marie et à Jean, qui furent enfants quand la V e  République avait déjà un quart de siècle.
INTRODUCTION
La République thaumaturge

« Nous entrons dans l’avenir à reculons. C’est là, pour moi, la plus certaine et la plus importante leçon de l’Histoire. »
Paul V ALÉRY , 13 juillet 1932, Variété , IV, Paris, Gallimard, 1938, p. 139.

La V e  République a 60 ans. Le constat d’un tel état pourrait n’avoir d’autre signification, au demeurant limitée, que le renvoi à la scansion classique des dizaines, sans la patine hautement symbolique de la cinquantaine ou de la centaine. Pourtant, à y regarder de plus près, cette étape sexagénaire est historiquement lourde de sens. Soixante années, en effet, correspondent globalement à la succession – ou à l’empilement – dans le temps de deux générations, et cette République est donc devenue, si l’on peut dire, un régime de troisième génération. Entendons par là que, du fait d’un tel écoulement, seuls les Français et les Françaises de plus de 75 ans ont pu en connaître, de façon déjà politiquement consciente – partons ici, par convention, de l’âge de 15 ans –, la naissance et les premières années d’existence. Or ceux-ci ne représentaient plus, au 1 er  janvier 2014, que 9,1 % de la population totale.
C’est toujours un moment complexe, pour un régime politique, que de passer ainsi un cap au-delà duquel la communauté nationale qui le sous-tend n’a plus de rapport direct avec les circonstances de son apparition ni avec la mémoire des origines qui en découla. C’est, du reste, pour la première fois de son histoire que ce régime a un président de la République plus jeune que lui. Pour le plus grand nombre, désormais, la V e  République n’est plus le fruit d’une histoire dont ils furent les acteurs mais avant tout, plus banalement, le cadre actuel de leur existence, comme si tout ce qui avait précédé n’avait eu aucune incidence sur un tel cadre. Et, dès lors, qu’on se déclare favorable à son maintien ou qu’on en critique au contraire les défauts supposés, le verdict est toujours formulé par rapport à aujourd’hui. On la dit moribonde ou, à l’inverse, solide, voire florissante, mais là encore le diagnostic est fait de façon anhistorique.
Toute approche historique du régime maintenant sexagénaire, si elle se veut rigoureuse, ne peut pourtant faire abstraction de ces temporalités imbriquées, qui jouent un rôle direct ou indirect non seulement sur la perception de ce régime, mais également, au bout du compte, sur son déroulement. Bien plus, un tel constat dicte aussi la structure que doit adopter cette approche : si elle ne peut qu’être globalement linéaire, car le propre d’une étude historique est de replacer les objets étudiés dans l’épaisseur du temps, elle s’autorisera aussi, au sein de chacun de ces chapitres rythmés par l’écoulement du temps, des allers-retours avec la France d’aujourd’hui, tant il est vrai que c’est bien dans ces six décennies d’histoire que sont nichées quelques-unes des clés permettant de décrypter ce présent.
Ces allers-retours, du reste, sont d’autant plus nécessaires qu’une autre question davantage conjoncturelle confère également aux interrogations contemporaines sur la V e  République leur actualité. Cette question porte, bien sûr, sur la séquence électorale du printemps 2017 : il y eut alors, indéniablement, un moment Macron, et, de surcroît, l’année qui s’est écoulée depuis un tel moment permet tout à la fois de tenter de l’interpréter avec un peu de recul, dans sa réalité intrinsèque, et de l’utiliser comme une sorte de papier chimique, rendant compte de l’état de cette République, la soixantaine venue. Avec, d’ailleurs, un autre gain escomptable : replacer ainsi le court terme de l’événement dans la moyenne durée pluridécennale évite, à propos de 2017, les erreurs de perspective historique qui ont toujours été commises quand n’est pris, face à un événement, aucun recul chronologique. À nouveau, donc, aujourd’hui analysé seulement depuis aujourd’hui.
On l’aura compris, il s’agit moins, dans ce livre, de proposer une histoire de la V e  République dans son intégralité que de contribuer à donner au lecteur une compréhension de son sens, dans la double acception du terme : signification, mais aussi direction. Pour ce faire, à quelle date doit-on faire commencer une telle approche de la « Cinquième » ? La question peut paraître incongrue, tant il est vrai qu’un régime a forcément une date de naissance sur sa carte d’identité historique. Elle doit pourtant être posée ici d’emblée, pour deux raisons de nature différente. En premier lieu, force est de constater qu’il y a plusieurs dates de naissance possibles. Au commencement, d’une certaine façon, il y a le 4 septembre 1958. Ce jour-là, place de la République, le général de Gaulle, dernier président du Conseil de la IV e  République, présente au pays le projet de nouvelle Constitution, qui doit être soumis au suffrage universel, par voie de référendum, le 28 septembre suivant. Certes, ce n’est qu’à cette dernière date que naît la République suivante, quand le peuple souverain ratifie les nouvelles institutions à une très large majorité, elle-même sous-tendue, on le verra, par une très forte participation. Stricto sensu , on pourrait même retenir une troisième date quand, une semaine plus tard, le 4 octobre, la nouvelle Constitution est promulguée. Le Journal officiel du lendemain fera désormais foi.
Mais c’est bien, à tout prendre, la date du 4 septembre que l’on retiendra ici, même si elle n’a donc rien d’institutionnel, à la différence de ce 4 octobre. Une seconde raison, en effet, justifie, pour une approche historique, un tel choix. Les textes qui régissent la V e  République – hormis, bien sûr, l’amendement constitutionnel essentiel adopté par référendum le 28 octobre 1962, et qui instaure l’élection du président de la République au suffrage universel – émergent déjà ce jour-là, place de la République, à l’existence historique, puisqu’ils sont présentés publiquement et que c’est bien le « public » transformé en corps politique souverain qui, par la procédure du référendum, est appelé à se faire obstétricien, en leur donnant naissance. Surtout, le choix du lieu de la présentation tout comme la date retenue pour la faire placent délibérément le régime à naître dans le temps long : le 4 septembre 1870, deux jours après la défaite militaire de Sedan, la République avait été proclamée et plus jamais, après cette date, elle n’a été remise en cause en France, sauf durant le régime de Vichy où la mention « République française » disparut momentanément des textes officiels.
Le 4 septembre 1958 constitue donc pour la V e  République, en raison de ces choix symboliques effectués par le général de Gaulle, tout à la fois la scène originelle proposée et le récit des origines invoqué. Et cette généalogie ainsi rappelée et revendiquée nous suggère d’emblée une piste majeure pour toute approche historique de la V e  République : tout autant que l’adjectif ordinal cinquième, c’est bien le nom République qui compte ici. Faire l’histoire de ce régime ne se ramène pas au simple récit des travaux et des jours qui en ont ponctué l’existence depuis soixante ans, mais consiste également en l’analyse des rapports, durant la même période, entre cet adjectif et ce nom. Ces rapports, en effet, n’ont jamais été uniformes. Il fut un moment, on le verra, où exista une réelle adéquation entre la « Cinquième » et son socle républicain : il est alors possible de qualifier un tel moment d’équilibre non seulement de système politique, mais d’écosystème républicain. Ce fut, du reste, l’une des forces du régime pendant ses premières décennies d’existence que de parvenir à un tel statut historique. Mais, bientôt, l’écosystème se dérégla, et la force devint défi : ce régime trouverait-il le second souffle nécessaire pour que se reconstitue en son sein un équilibre dont le centre de gravité demeurerait son identité républicaine ? Ou bien la carapace institutionnelle ne deviendrait-elle alors que la pellicule fragilisée d’un État-nation affaibli ? À bien des égards, la démarche adoptée ici relève d’une sorte de physiologie politique.
La question du second souffle est d’autant moins théorique que la V e  République a été, dans un premier temps de son existence, la forme modernisée d’un écosystème républicain qui avait déjà connu, avant elle, une longue existence. De surcroît, modernisée ne signifiait pas seulement adaptée aux temps nouveaux mais également, et surtout, revitalisée. Là réside peut-être, on le verra, la signification historique essentielle de la séquence 1958-1962 qui vit la naissance du nouveau régime : celui-ci apparut, à tort ou à raison, comme doté de réelles capacités d’action, comme s’il retrouvait une marge d’autonomie, et donc une forme de latitude historique, dont aurait été privée la IV e  République à laquelle il succédait. Le contraste avec celle-ci lui conféra presque des vertus magiques : tout comme les souverains de l’Ancien Régime étaient supposés être dotés de pouvoirs surnaturels, par leur aptitude à guérir les écrouelles, la V e  République apparut elle auss

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