La lecture à portée de main
Description
Informations
Publié par | L-annee-psychologique |
Publié le | 01 janvier 2005 |
Nombre de lectures | 124 |
Langue | Français |
Poids de l'ouvrage | 2 Mo |
Extrait
V. Charlot
P. Feyereisen
Mémoire épisodique et déficit d'inhibition au cours du
vieillissement cognitif : un examen de l'hypothèse frontale
In: L'année psychologique. 2005 vol. 105, n°2. pp. 323-357.
Résumé
l'hypothèse frontale du vieillissement cognitif suppose que les différences liées à l'âge dans des tâches de mémoire se
manifestent principalement dans des conditions qui exigent un contrôle exécutif et impliquent le cortex préfrontal. Une version
forte de cette hypothèse fait dépendre les changements liés à l'âge d'un déficit spécifique des mécanismes d'inhibition, tandis
qu'une version faible suppose un lien d'ordre plus général entre certains processus stratégiques de mémoire et le fonctionnement
exécutif. La présente note examine dans ce contexte les travaux effectués auprès de personnes âgées normales. La conclusion
est que les changements liés au vieillissement cognitif dans le domaine de la mémoire épisodique ne peuvent pas s'expliquer
uniquement par un déficit d'inhibition.
Mots clés : mémoire, vieillissement, inhibition.
Abstract
Summary : Episodic memory, inhibition deficit, and cognitive aging : An examination of the frontal hypothesis
Cognitive aging is a mosaic of selective deficits and spared abilities. To account for such discrepancies, it has been assumed that
age-related differences in memory tasks were mainly observed in conditions that require executive control and activation of the
prefrontal cortex. The present theoretical note examines this frontal hypothesis by contrasting a strong and a weak version. The
strong version explains memory declines in normal aging by a specific deficit of inhibition mechanisms. The weak version invokes
more general links between some strategic memory processes and executive control. The note proceeds in three steps. First, it
briefly surveys the different formulations of the hypothesis, which focus on various aspects of human cognition. Second, it
considers the diversity of inhibition mechanisms and of memory processes. Third, it examines empirical evidence about age-
related changes in memory performance and executive functions : analysis of individual differences, experimental investigations,
and studies using neuro-imagery techniques. In conclusion, the literature does not support tentative explanations of cognitive
aging that rely on a single factor called inhibitory deficit.
Key words : memory, cognitive aging, inhibition.
Citer ce document / Cite this document :
Charlot V., Feyereisen P. Mémoire épisodique et déficit d'inhibition au cours du vieillissement cognitif : un examen de
l'hypothèse frontale. In: L'année psychologique. 2005 vol. 105, n°2. pp. 323-357.
doi : 10.3406/psy.2005.29699
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_2005_num_105_2_29699L'Année psychologique, 2005, 105, 323-357
NOTE THÉORIQUE
Université catholique de Louvain
Unité Cognition et Développement
MEMOIRE EPISODIQUE ET DEFICIT D'INHIBITION
AU COURS DU VIEILLISSEMENT COGNITIF :
UN EXAMEN DE L'HYPOTHÈSE FRONTALE
Valentine CHARLOT et Pierre FeYEREISEN1
SUMMARY : Episodic memory, inhibition deficit, and cognitive aging : An
examination of the frontal hypothesis
Cognitive aging is a mosaic of selective deficits and spared abilities.
To account for such discrepancies, it has been assumed that age-related
differences in memory tasks were mainly observed in conditions that require
executive control and activation of the prefrontal cortex. The present theo
retical note examines this frontal hypothesis by contrasting a strong and a
weak version. The strong version explains memory declines in normal aging
by a specific deficit of inhibition mechanisms. The weak version invokes more
general links between some strategic memory processes and executive control.
The note proceeds in three steps. First, it briefly surveys the different for
mulations of the hypothesis, which focus on various aspects of human
cognition. Second, it considers the diversity of inhibition mechanisms and of
memory processes. Third, it examines empirical evidence about age-related
changes in memory performance and executive functions : analysis of
individual differences, experimental investigations, and studies using neuro-
imagery techniques. In conclusion, the literature does not support tentative
explanations of cognitive aging that rely on a single factor called inhibitory
deficit.
Key words : memory, cognitive aging, inhibition.
1. Correspondance : Pierre Feyereisen, PSP/CODE, 10, place du Cardinal-
Mercier, B-1348 Louvain-la-Neuve, Belgique. E-mail : Pierre. Feyerei-
sen@psp.ucl.ac.be. 324 Valentine Chariot, Pierre Feyereisen
REMERCIEMENTS
Le present travail a été réalisé grâce à une subvention du gouvernement de
la Communauté française de Belgique (Action de recherche concertée, conven
tion 98/03-215 « Le vieillissement cognitif : au-delà des facteurs généraux ») et
d'un mandat de Directeur de recherches du FNRS dont bénéficie le deuxième
auteur.
INTRODUCTION
Le vieillissement cognitif se caractérise par un ensemble de déclins
sélectifs et de fonctions préservées. Dans le domaine de la mémoire en par
ticulier, les changements liés à l'âge affectent les performances davantage
dans des tâches explicites de mémoire épisodique (rappel et reconnaissance)
que dans des tâches implicites (Light, Prull, La Voie & Healy, 2000 ; Prull,
Gabrieli & Bunge, 2000). Par ailleurs, il est généralement admis que le viei
llissement cognitif normal épargne la structure et le contenu de la mémoire
sémantique (Light, 1992).
Plusieurs théories ont été proposées pour rendre compte de cette hétéro
généité des performances (pour un exposé de synthèse, voir Feyereisen et al.,
2002). Elles ont pour point commun de supposer que le vieillissement atteint
les traitements les plus exigeants qui nécessitent un contrôle stratégique de
la part de l'individu, et qu'il épargne les processus automatiques n'utilisant
que peu de « ressources » (Welford, 1958-1964 ; Hasher & Zacks, 1979). Ces
théories se distinguent par la manière d'identifier les mécanismes de con
trôle et par la méthode utilisée : étude psychométrique des différences indi
viduelles, expérimentation ou investigation neuropsychologique.
Dans une perspective psychométrique, on suppose que les performanc
es dépendent d'un nombre restreint de facteurs généraux : la réduction de
la capacité de la mémoire de travail (Welford, 1958-1964), le ralentissement
de la vitesse de traitement (Salthouse, 1996) ou l'intégrité biologique de
l'organisme évaluée au plan sensori-moteur (Baltes & Lindenberger, 1997).
Ces facteurs représentent différentes manières d'opérationnaliser la notion
de « ressources de traitement » et d'en évaluer la quantité disponible pour
des personnes d'un âge donné.
Dans une perspective plus expérimentale, on peut manipuler la charge
cognitive de diverses façons, par exemple en ajoutant une tâche secondaire
à la tâche principale. La réalisation d'une tâche concurrente dégrade les
performances dans la tâche principale, pour autant que les deux tâches
impliquent la même composante de traitement (ou le même réservoir de
ressources). Le paradigme de double tâche permet ainsi de simuler la dimi
nution des ressources qui se produit naturellement au cours du vieilliss
ement (Craik & Byrd, 1982). Mémoire épisodique et déficit d'inhibition 325
Dans une perspective neuropsychologique, enfin, on suppose que les
changements observés chez la personne âgée sont la conséquence d'un déclin
sélectif dans le fonctionnement de certaines régions cérébrales, et en particul
ier de certaines structures du cortex préfrontal, alors que les régions posté
rieures seraient moins affectées (Dempster, 1992 ; Moscovitch & Winocur,
1995 ; West, 1996 ; Raz, 2000 ; Craik & Grady, 2002). Selon cette hypot
hèse, les fonctions cognitives qui se modifient au cours du vieillissement
normal seraient analogues à celles perturbées par une lésion frontale. Des
études concernant des patients souffrant de lésions cérébrales et des études
de neuro-imagerie chez des volontaires sains ont montré que le lobe frontal
intervient dans un grand nombre de fonctions cognitives de haut niveau, en
particulier les fonctions executives (par exemple, l'administrateur central
de la mémoire de travail) et les opérations stratégiques d'