Rapport d'information déposé (...) par la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales en conclusion des travaux de la mission sur la prévention de l'obésité
Depuis les années 80, le surpoids et l'obésité de l'adulte et de l'enfant ont augmenté de façon très importante, tant en France (un adulte sur deux est en surcharge pondérale, un sur six est obèse) que dans les pays européens, aux Etats-Unis ou en Chine. Ce phénomène est un problème de société, un marqueur d'inégalité sociale et un enjeu de santé publique ; l'obésité est en effet un facteur de déclenchement de nombreuses pathologies (maladies cardio-vasculaires, embolies pulmonaires, diabète, certains cancers, asthme...). Ce rapport met en évidence le fait que l'obésité met en danger le système de protection sociale, son coût étant estimé à 10 milliards d'euros pour l'assurance maladie et 7% de l'ONDAM et pourrait doubler d'ici 2020, si le rythme actuel de progression de l'épidémie se poursuivait. L'Organisation mondiale de la santé (OMS), puis l'Union européenne se sont mobilisées contre l'obésité (présentation d'un Livre blanc en 2007). L'action de la France a pris la forme d'un premier Programme National Nutrition Santé (PNNS) pour les années 2001-2005, puis d'un deuxième (2006-2010) mettant l'accent sur l'amélioration de la qualité nutritionnelle de l'offre alimentaire et développant des actions locales. Valérie Boyer souhaite faire de la lutte contre l'obésité une grande cause nationale mobilisant l'ensemble des Français. Elle avance plusieurs propositions : dépistage précoce du surpoids et de l'obésité, information et amélioration de la nutrition, promotion de l'activité physique, étiquetage approprié des aliments, accessibilité des personnes défavorisées aux fruits et légumes, renforcement de l'éducation à la santé...
Paternité, pas d'utilisation commerciale, partage des conditions initiales à l'identique
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
1 Mo
Extrait
A
N° 1131 ______
SSEMBLÉENATIONALECONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 septembre 2008.
RAPPORTNOORNFTIMAID DÉPOSÉ en application de larticle 145 du RèglementPAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALESEn conclusion des travaux de la mission surla prévention de lobésité
I.- L ÉPIDÉMIE D OBÉSITÉ MET EN DANGER NOTRE SYSTÈME DE PROTECTION SOCIALE................................................................................................... 13
A. LAUGMENTATION DE LA PRÉVALENCE DE LOBÉSITÉ EST ALARMANTE......... 13
1. Lobésité est un défi mondial croissant de santé publique............................. 13 a) Un quart de la population mondiale est en surcharge pondérale....................... 13 b) Deux Américains sur trois sont en surcharge pondérale et en Chine la prévalence a doublé en cinq ans....................................................................... 14 c) Le continent européen, avec 130 millions de personnes obèses, soit un adulte sur deux et près dun enfant sur trois, est un des plus touchés................ 15
d) Lépidémie dobésité se développe rapidement................................................. 17
2. La France est aussi gravement concernée par lépidémie dobésité............ 18
a) Un adulte sur deux est en surcharge pondérale et un sur six est obèse.............. 18
b) Inégalement répartie, lobésité saccroît sur tout le territoire et augmente avec le vieillissement de la population............................................................. 19
c) Les femmes sont particulièrement touchées par lobésité.................................. 20 d) Un enfant sur cinq est en surcharge pondérale................................................. 20
e) Les personnes les moins favorisées sont les plus touchées par lépidémie dobésité.......................................................................................................... 21
B.LOBÉSITÉESTUNENJEUDESANTÉPUBLIQUECROISSANTQUIMENACE NOTRE SYSTÈME DE PROTECTION SOCIALE...................................... 22 1. Les risques pour la santé liés à lobésité sont nombreux............................... 23 a) Lobésité infantile est un risque majeur dobésité adulte................................... 23 b) Lobésité est un facteur de risque majeur de maladie chronique....................... 23 c) Les risques cardiovasculaires sont multipliés par trois, comme le risque de diabète............................................................................................................. 23
d) Les problèmes respiratoires sont fréquents, de même que les problèmes rhumatologiques.............................................................................................. 24
e) Le lien avec certains cancers est établi............................................................. 24
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f) Les altérations de la qualité de vie sont nombreuses.......................................... 25
g) Au total, la surcharge pondérale est responsable dun grand nombre de décès................................................................................................................ 25 2. Lobésité est une menace pour léquilibre de notre système de protection sociale............................................................................................... 25
a) Laugmentation de la prévalence de lobésité nest pas sans lien avec laugmentation du nombre de personnes en affection de longue durée (ALD).............................................................................................................. 26 b) Le coût annuel pour lassurance maladie de lobésité et du surpoids est estimé à 10 milliards deuros et 7 % de lONDAM........................................... 26 c) Limpact financier du surpoids est plus élevé que celui de la seule obésité........ 28
d) Au rythme actuel de progression de lépidémie, le coût de lobésité pourrait doubler dici 2020 et représenter près de 14 % de lONDAM............. 29
e) Limpact de lobésité sur les finances sociales et léconomie est probablement sous-évalué................................................................................ 29 II.- EN RELAI DES ACTIONS INTERNATIONALES ET EUROPÉENNES, LE PROGRAMMENATIONALNUTRITIONSANTÉ(PNNS)APERMISD ENCLENCHER UNE DYNAMIQUE POSITIVE, MAIS LES MOYENS NE SONT PAS À LA HAUTEUR DE L ENJEU DE SANTÉ PUBLIQUE............................................. 31
A. LALERTE SUR LE DÉFI DE LOBÉSITÉ A DABORD ÉTÉ LANCÉE PAR LORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ (OMS) PUIS RELAYÉE PAR LUNION EUROPÉENNE.......................................................................................... 31
1. La charte dOttawa sur la promotion de la santé de 1986 a posé les bases de la prévention en santé...................................................................... 31
2. LaCharte européenne sur la lutte contre lobésité de lOMS, du 16 novembre 2006, vise un renversement de tendance pour 2015 au plus tard.............................................................................................................. 33
a) LOMS a adopté, en 2000, un premier plan daction pour lalimentation et la nutrition....................................................................................................... 33
b) LOMS a ensuite adopté, en 2006, la Charte européenne sur la lutte contre lobésité........................................................................................................... 33
c) La Charte de lOMS propose une série dorientations pour lutter contre lobésité........................................................................................................... 34
d) LOMS a adopté, en septembre 2007, le deuxième plan daction pour une politique alimentaire et nutritionnelle 2007-2012 qui propose une série de mesures précises.............................................................................................. 35 3. LUnion européenne sest aussi mobilisée pour lutter contre lépidémie dobésité, mais ses moyens daction sont limités........................................... 37
a) La compétence de lUnion européenne en matière de santé publique est limitée.............................................................................................................. 37
b) Dès 1990, lUnion européenne sest intéressée au lien entre nutrition et santé................................................................................................................ 38
c) LaCommission européenne a présenté, en 2005, un Livre vert sur lalimentation et lactivité physique................................................................. 39
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d) La Commission a ensuite présenté, en 2007, un Livre blanc proposant une stratégie européenne pour les problèmes de santé liés à la nutrition, la surcharge pondérale et lobésité...................................................................... 39
e) La commission de lenvironnement du Parlement européen a adopté, au mois de mai 2008, une proposition de résolution pour lutter contre l obésité........................................................................................................... 43
f) Le volontarisme européen doit être prolongé par laction des États membres.......................................................................................................... 44 B. LE PROGRAMME NATIONAL NUTRITION SANTÉ A PERMIS DAMORCER UNE PRISE DE CONSCIENCE DU DÉFI DE LOBÉSITÉ, MAIS LES OBJECTIFS FIXÉS NONT PAS ÉTÉ ATTEINTS...................................................... 45
1. Le premier PNNS 2001-2005 na pas permis dobtenir de résultats significatifs sur la prévalence de lobésité....................................................... 46
a) Le PNNS 1 vise à donner des repères de consommation et fixe des objectifs nutritionnels et de réduction de la prévalence de lobésité............................... 46 b) La communication publique en matière de nutrition est bien perçue................. 48
c) La prévalence de lobésité chez les enfants semble orientée plus favorablement mais lobjectif de réduction de 20 % de lobésité adulte nest pas atteint................................................................................................ 49 d) De fait, linsuffisance des moyens affectés et labsence dune véritable évaluation conduisent à sinterroger sur lefficacité du PNNS 1....................... 51 2. Le deuxième PNNS 2006-2010 prolonge et amplifie les actions du PNNS 1, mais reprend les mêmes objectifs en matière de prévalence de lobésité......................................................................................................... 52
a) Le PNNS 2 prend en compte les travaux de lOPEPS et inscrit laction nutritionnelle dans la durée............................................................................. 52 b) Le PNNS 2 est orienté vers une amélioration de la qualité nutritionnelle de loffre alimentaire............................................................................................ 52 3. Le développement dactions locales est un axe stratégique majeur pour le PNNS..................................................................................................... 53
a) Les collectivités territoriales sont incitées à sengager dans lapplication du PNNS.......................................................................................................... 54
b) LePNNS prévoit diverses actions concrètes danimation du réseau des villes actives du PNNS..................................................................................... 54 c) Le PNNS 2 vise à renforcer la qualité des actions mises en uvre par les collectivités territoriales.................................................................................. 54 d) Un programme privé de prévention de lobésité chez les enfants, dénommé EPODE, est proposé aux communes, parallèlement au PNNS.......................... 55 4. Les mesures annoncées par le gouvernement en février 2008 sont retardées par la concertation avec les professionnels de lagroalimentaire, de la distribution et des médias.......................................... 56
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III.- LA LUTTE CONTRE L ÉPIDÉMIE D OBÉSITÉ DOIT ÊTRE UNE GRANDE CAUSE NATIONALE MOBILISANT L ENSEMBLE DES FRANÇAIS................................ 59 A. AMÉLIORER LE DÉPISTAGE PRÉCOCE DE LOBÉSITÉ ET LA PRISE EN CHARGE DES PERSONNES OBÈSES ET EN SURPOIDS...................................... 61
1. Organiser le dépistage précoce de la surcharge pondérale.......................... 61 2. Améliorer la prise en charge des personnes obèses...................................... 63 3. Adapter les financements à la prise en charge des personnes obèses........ 67
4. Mobiliser la médecine scolaire pour dépister et prendre en charge lobésité............................................................................................................... 68
5. Impliquer davantage la médecine du travail sur le thème de lobésité.......... 69 B. AMÉLIORER LA QUALITÉ NUTRITIONNELLE DE LALIMENTATION...................... 70 1. Promouvoir lallaitement maternel.................................................................... 70 2. Améliorer la qualité des repas servis en cantines scolaires et en restauration collective........................................................................................ 72 3. Moduler la fiscalité des aliments en fonction de leur qualité nutritionnelle....................................................................................................... 74
4. Promouvoir la consommation des fruits et des légumes................................ 77 5. Faciliter laccès à leau de boisson et garantir la qualité nutritionnelle des produits premiers prix................................................................................. 78 C. GARANTIR UNE INFORMATION NUTRITIONNELLE DE QUALITÉ ET PROMOUVOIR LACTIVITÉ PHYSIQUE................................................................... 78
1. Déclarer « grande cause nationale 2009 » léquilibre nutritionnel et la lutte contre lobésité et le surpoids................................................................... 78
2. Accroître les moyens de linformation et de léducation nutritionnelles......... 79
4. Limiter la publicité pour les produits à forte densité énergétique.................. 83 5. Lutter contre la sédentarité et promouvoir les activités physiques et sportives............................................................................................................. 83
D. AMÉLIORER LÉTIQUETAGE NUTRITIONNEL ET LACCESSIBILITÉ DES PERSONNES DÉFAVORISÉES AUX PRODUITS NON TRANFORMÉS, DONT LES FRUITS ET LÉGUMES...................................................................................... 84 1. Mettre en place un étiquetage fondé sur le profil nutritionnel des produits............................................................................................................... 85 2. Permettre aux personnes défavorisées daccéder plus facilement aux produits non transformés, dont les fruits et légumes...................................... 85 E. AGIR SUR LENVIRONNEMENT ET INCITER À LACTIVITÉ PHYSIQUE................ 86
1. Éviter lutilisation de produits ajoutés notoirement obésogènes.................... 86 2. Faciliter la pratique dactivités physiques et sportives.................................... 87
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F. RENFORCER LÉDUCATION À LA SANTÉ ET À LA NUTRITION............................ 88 1. Inscrire léducation à la santé et à la nutrition dans les missions de lécole.................................................................................................................. 88 2. Favoriser lapprentissage des savoirs ménagers............................................ 89
G. DÉVELOPPER LA FORMATION EN NUTRITION ET DÉFINIR DE NOUVEAUX MÉTIERS.................................................................................................................. 90 1. Améliorer la formation en nutrition des personnels des établissements scolaires et des assistantes maternelles......................................................... 90
2. Organiser les métiers de la diététique et de la nutrition................................. 91 3. Renforcer la formation en nutrition de lencadrement sportif et définir les nouveaux métiers de lactivité physique.................................................... 92
4. Créer un nouveau métier dans la distribution.................................................. 93
H. RESPECTER LES DROITS DES PERSONNES OBÈSES........................................ 93
1. Lutter contre les discriminations à légard des personnes obèses................ 93 2. Respecter la diversité corporelle...................................................................... 96
LISTE DES PROPOSITIONS......................................................................................... 99
CONTRIBUTION DES DÉPUTÉS DU GROUPE SOCIALISTE, RADICAL, CITOYEN ET DIVERS MEMBRES DE LA MISSION SUR LA GAUCHE, PRÉVENTION DE L OBÉSITÉ...................................................................................... 109 TRAVAUX DE LA COMMISSION.................................................................................. 115 ANNEXES........................................................................................................................ 129 ANNEXE N° 1 :Composition de la mission dinformation..................................... 129 ANNEXE N° 2 :Liste des personnes auditionnées............................................... 131
ANNEXE N° 3 :Synthèses des auditions de la mission....................................... 137 ANNEXE N° 4 :Déplacement de la mission à Marseille....................................... 229 ANNEXE N° 5 :Glossaire........................................................................................ 241
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A V A N T - P R O P O S
Bien plus quun enjeu de santé publique, lobésité est un véritable problème de société et un marqueur dinégalité sociale.
Sa progression préoccupante menace notre système de protection sociale car lobésité comme la surcharge pondérale sont directement impliquées dans lapparition des maladies chroniques telles que les maladies cardiovasculaires, lhypertension artérielle, certains cancers, le diabète, les embolies pulmonaires ou lapnée du sommeil
Dans ce contexte, il apparaît urgent dexprimer une volonté politique forte et dagir le plus rapidement possible dans tous les domaines pour inverser la tendance.
Le rapport propose de faire de la lutte contre lépidémie dobésité et de surpoids, une grande cause nationale à linstar de ce qui a été fait, avec succès, pour le SIDA, le cancer ou la maladie dAlzheimer.
La lutte contre lépidémie dobésité va modifier notre façon de penser la santé et nous obliger à adapter lorganisation de notre système de santé. En faire une grande cause nationale peut-être loccasion de mettre en place pour la première fois un plan national de prévention contre un risque majeur concernant de nombreuses pathologies.
Elle doit être également loccasion daméliorer la lutte contre les discriminations faites aux personnes obèses et de promouvoir le respect de la diversité corporelle.
Valérie BOYER
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I N T R O D U C T I O N
La France, comme les autres pays, sur tous les continents, est touchée de plein fouet par lépidémie dobésité. Elle nest pas, contrairement à ce que lon entend souvent, protégée par une sorte de ligne Maginot de sa gastronomie. Lart culinaire français, quil faut continuer de promouvoir, nest pas et on peut le regretter une protection efficace contre la surcharge pondérale.
La France, comme les autres pays, est immergée dans la mondialisation et connaît une évolution rapide des modes de vie, une dégradation des habitudes alimentaires et une diminution de lactivité physique, notamment liée au développement de la culture des écrans.
Or, le développement de lobésité est la conséquence directe dune alimentation trop riche et dune dépense énergétique insuffisante. Aussi, comme dans les autres pays, depuis vingt ans, la France est touchée par le déséquilibre nutritionnel et voit le niveau de lobésité monter, irrémédiablement.
Cette situation est alarmante et exige des réponses à la hauteur de lenjeu.
Il y a donc urgence à agir vite et fermement pour contrer lépidémie dobésité.
Pour instruire ses travaux, la mission a procédé à une quarantaine dauditions et de tables rondes mobilisant 140 personnalités et 75 organismes. Elle a également effectué un déplacement à Marseille pour nourrir ses réflexions par des observations et rencontres de terrain.
Tout au long de ses travaux, la mission a cherché à prendre la mesure de limportance réelle des enjeux sanitaires et financiers de lobésité. Elle a ainsi mis en évidence que lobésité constitue, dès aujourdhui, une grave menace pour la santé dune majorité de Français et pour notre protection sociale (I). Elle a aussi pu constater que les premières mesures qui ont été prises dans le cadre du Programme national nutrition santé (PNNS) ont été insuffisantes à faire refluer, ni même à endiguer, la marée montante de lobésité (II). Sur la base de ce constat, la mission propose de faire de la lutte contre lobésité une grande cause nationale, à linstar de ce qui a été fait pour le cancer ou le sida. La mission formule aussi une série de propositions concrètes, réalistes et efficaces, qui sinscrivent dans une stratégie globale et déterminée visant à inverser réellement la tendance (III).