L’Association internationale pour l’étude de la douleur (International Association for the Study of Pain) définit la douleur comme « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à une atteinte tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite en ces termes » [4]. Cette définition tient compte des phénomènes biologiques sensori-discriminatifs, mais aussi des facteurs qui appartiennent à la sphère psychologique et aux fonctions cognitives du patient. Au sein des systèmes sensoriels, la douleur constitue un signal d’alarme qui protège l’organisme : elle déclenche des réponses réflexes et comportementales dont la finalité est d’en diminuer la cause et, par conséquent, d’en limiter les conséquences ; on parlera de nociception. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, sa disparition ou son abolition ne procure aucun avantage. Les rares cas d’insensibilité congénitale à la douleur sont dramatiques et requièrent un environnement protégé pour éviter à ces patients d’être continuellement atteints de brûlures, de blessures ou de fractures. Il est très important de faire la distinction entre douleur et nociception. Il existe des lésions tissulaires sans perception douloureuse et, à l’inverse, de véritables douleurs sans atteintes organiques aujourd’hui identifiables ; ces douleurs sont dites dysfonctionnelles ou idiopathiques. Il est important de les reconnaître en tant que telles et ne pas les assimiler à des douleurs imaginaires, au risque d’entraîner le patient dans un cercle vicieux menaçant son intégrité physique, psychique, familiale et sociale.En pratique, on fait la distinction entre une douleur aiguë d’installation inférieure à 3 mois et une douleur chronique qui persiste au-delà de 3 mois. La douleur aiguë est avant tout un symptôme qui amène un individu à consulter un médecin. Elle constitue un signal d’alarme dont l’objectif est de protéger l’organisme. À l’inverse, la douleur chronique est inutile et destructrice. Elle peut devenir une maladie à part entière avec ses répercussions physiques, psychologiques, comportementales et sociales. De nombreux facteurs participent à la pérennisation et à l’exacerbation de la douleur. Elle peut être liée à une pathologie actuellement incurable ; elle peut résulter d’un déséquilibre de l’homéostasie entre les systèmes antinociceptifs et pronociceptifs, responsable d’une sensibilisation du système nerveux central ; enfin, elle peut être la conséquence de troubles psychologiques qui font le lit de la douleur ou la majorent.
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Extrait
Chapitre S10P01C01 Physiopathologie et sémiologie de la douleur
F A RÉDÉRIC DAM
Définitions
1 0 C 1 P0 0 1 S
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LAssociation internationale pour létude de la douleur (International Association for the Study of Pain) définit la douleur comme « une expé rience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à une atteinte tis sulaire réelle ou potentielle, ou décrite en ces termes » [4]. Cette définition tient compte des phénomènes biologiques sensoridiscrimina tifs, mais aussi des facteurs qui appartiennent à la sphère psychologique et aux fonctions cognitives du patient. Au sein des systèmes sensoriels, la douleur constitue un signal dalarme qui protège lorganisme : elle déclenche des réponses réflexes et comportementales dont la finalité est den diminuer la cause et, par conséquent, den limiter les conséquences ; on parlera denociception. Contrairement à ce que lon pourrait penser, sa disparition ou son abolition ne procure aucun avantage. Les rares cas dinsensibilité congénitale à la douleur sont dramatiques et requièrent un environnement protégé pour éviter à ces patients dêtre continuellement atteints de brûlures, de blessures ou de fractures. Il est très important de faire la distinction entre douleur et nociception. Il existe des lésions tis sulaires sans perception douloureuse et, à linverse, de véritables douleurs sans atteintes organiques aujourdhui identifiables ; ces douleurs sont dites dysfonctionnelles ou idiopathiques. Il est important de les recon naître en tant que telles et ne pas les assimiler à des douleurs imaginaires, au risque dentraîner le patient dans un cercle vicieux menaçant son inté grité physique, psychique, familiale et sociale. En pratique, on fait la distinction entre unedouleur aiguëdinstalla tion inférieure à 3 mois et unedouleur chroniquequi persiste audelà de 3 mois. La douleur aiguë est avant tout un symptôme qui amène un individu à consulter un médecin. Elle constitue un signal dalarme dont lobjectif est de protéger lorganisme. À linverse, la douleur chro nique est inutile et destructrice. Elle peut devenir une maladie à part entière avec ses répercussions physiques, psychologiques, comporte mentales et sociales. De nombreux facteurs participent à la pérennisa tion et à lexacerbation de la douleur. Elle peut être liée à une pathologie actuellement incurable ; elle peut résulter dun déséquilibre de lhoméostasie entre les systèmes antinociceptifs et pronociceptifs, responsable dune sensibilisation du système nerveux central ; enfin, elle peut être la conséquence de troubles psychologiques qui font le lit de la douleur ou la majorent. On distingue généralement trois types de douleurs : lesdouleurs par excès de nociception, qui résultent de lésions tissulaires de nature très diverse (postopératoires, cancéreuses, rhumatismales). Classiquement, des signes inflammatoires tels que rougeur, chaleur et dème les accompagnent. Si les stimulations douloureuses perdurent, il apparaît une sensibilisation du système nerveux périphérique et central, responsable dune amplification des messages douloureux ; lesdouleurs neuropathiques, récemment définies comme « une douleur directement provoquée par une lésion ou une maladie affec
S10P01C01 • Physiopathologie et sémiologie de la douleur
tant le système somatosensoriel » [5]. La lésion initiale peut être dori gine périphérique (zona, diabète, syndrome canalaire) ou bien centrale (accident vasculaire cérébral, sclérose en plaques, syrin gomyélie). De nombreux mécanismes sont impliqués dans la genèse de ces douleurs telles que décharges ectopiques, modifications phéno typiques de la synthèse des neuropeptides, éphapses, sensibilisation centrale et phénomènes de neuroplasticité. En clinique, il est fréquent dobserver des douleurs neuropathiques qui coexistent avec des dou leurs par excès de nociception (comme la lomboradiculalgie). On parle alors dedouleurs mixtes; enfin, le dernier type de douleur inclut des douleurs qui ne sont pas liées à une atteinte nerveuse identifiable, ni à des processus inflam matoires. Ces douleurs sont ditesdysfonctionnellesouidiopathiques (voirplus haut) et regroupent notamment des pathologies comme les céphalées migraineuses, la fibromyalgie, le syndrome de lintestin irri table, les cystites interstitielles et les algies orofaciales idiopathiques (glossodynie, stomatodynie, odontalgie atypique).
Interrogatoire du patient douloureux
La communication est la clef du succès de la prise en charge du patient douloureux. Il faut faire preuve dempathie et être disponible pour écouter et créer un climat de confiance indispensable à une rela tion de qualité [2]. Lobjectif est de faire parler le patient. Cette étape est primordiale et souvent difficile chez un patient épuisé par une longue histoire de douleur rebelle. Le plus souvent, il a de grandes dif ficultés à exprimer son expérience douloureuse ; plus rarement, il est prolixe, et il sera alors très difficile de canaliser ses plaintes. Quel que soit le stade évolutif de la « douleur maladie », son histoire doit être analysée point par point, afin de vérifier le diagnostic, dana lyser les caractéristiques cliniques, détablir la gravité des conséquences socioprofessionnelles et familiales et dessayer de comprendre la raison des échecs thérapeutiques antérieurs. Lensemble des données à explorer a fait lobjet de recommandations de la Haute Autorité de santé [3] sous la forme dune grille dentretien semistructuré du patient atteint de douleur chronique (Tableau S10 P01C01I).
Évaluation du contexte et de l’évolution de la douleur
Il est important de faire préciser au patient les circonstances dappa rition de la douleur. Le plus souvent, cellesci sont évidentes : trauma tisme, intervention chirurgicale, lésion évolutive ou existence dune pathologie connue pour entraîner des douleurs (diabète, zona, rhuma tisme inflammatoire). En revanche, il existe parfois un intervalle libre de plusieurs mois ou années entre la lésion initiale et lapparition de la douleur. Il faut rechercher si un événement de vie familiale ou profes sionnelle (décès dun proche, divorce, licenciement, conflit) est contemporain ou non du début de la douleur. Il est important de faire décrire au patient lévolution de sa douleur dans le temps et au cours du nycthémère, et de lui faire préciser les facteurs qui soulagent ou aggravent la douleur. Enfin, il faut connaître les attentes du patient et linterprétation quil donne de son histoire douloureuse.