Chapitre 6ALG¨BRES DE BANACHETSPECTRESVersiondu5juilet2004Claude Portenier ANALYSE FONCTIONNELLE 3476.1 AlgŁbres normØes6.1 AlgŁbres normØesDEFINITION 1 SiF est un espace vectoriel,respectivement un espace localement convexe,on poseL(F):=L(F,F) et L(F):=L(F,F) .Si F est un espace normØ, soit L(F) lespace (normØ) des opØrateurs bornØs dans F .Rappelons que, pour T ∈ L(F),onakTk := sup kTϕk et que T ∈ L(F) si, etϕ∈F,kϕk61seulement si, kTk<∞ (cf. dØÞnition 3.2.1)..PROPOSITION Soit F un espace normØ. Pour tout S,T ∈L(F),onakSTk6kSk•kTk .Cest immØdiat (cf. 3.2). ⁄DEFINITION 2 On dit quune K-algŁbre A munie dune norme k•k telle quekabk6kak•kbk pour tout a,b∈A ,est une algŁbre normØe . On dit que c est une algŁbre de Banach si elle est complŁte et unifŁresi elle possŁde une unitØ e telle que kek=1.EXEMPLE 1 Si F est un espace normØ, alors L(F) est une algŁbre normØe unifŁre. C estune algŁbre de Banach si F est un espace de Banach.CeladØcouledelapropositionci-dessusetdelaproposition3.2. ⁄∞EXEMPLE 2 Soit X un ensemble. Muni de la multiplication ponctuelle lespace ‘ (X) estb 0une algŁbre de BanachunifŁre. SiX estunespacetopologique,alorsC (X) etC (X)sont aussib 0des (sous-) algŁbre de Banach. C (X) est unifŁre; il en est de mŒme deC (X) si, et seulementsi, X est compact.1 nEXEMPLE 3 Nousavons vu en 4.12,exercice2,queL (R ) est une algŁbrede Banach pourle produit de convolution. Elle n est pas unifŁre.348 ALG¨BRES DE BANACH ET SPECTRES Claude ...
DEFINITION 1SiFest un espace vectoriel, respectivement un espace localement convexe, on pose L(F) :=L(F, F)etL(F) :=L(F, F). SiFest un espace normé, soitL(F)lespace (normé) des opérateurs bornés dansF. Rappelons que, pourT∈L(F), on akTk:= supϕ∈F,kϕk61kTϕket queT∈L(F)si, et seulement si,kTk<∞(cf. déÞnition 3.2.1)..
PROPOSITIONSoitFun espace normé. Pour toutS, T∈L(F), on a kSTk6kSk · kTk. Cest immédiat (cf. 3.2).
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DEFINITION 2On dit quuneK-algèbreAmunie dune normek·ktelle que kabk6kak · kbkpour touta, b∈A, est unealgèbre normée. On dit que cest unealgèbre de Banachsi elle est complète etunifère si elle possède une unitéetelle quekek= 1.
EXEMPLE 1SiFest un espace normé, alorsL(F)est une algèbre normée unifère. Cest une algèbre de Banach siFest un espace de Banach. Cela découle de la proposition ci-dessus et de la proposition 3.2.¤
EXEMPLE 2SoitXun ensemble. Muni de la multiplication ponctuelle lespace`∞(X)est une algèbre de Banach unifère. SiXest un espace topologique, alorsCb(X)etC0(X)sont aussi des (sous-) algèbre de Banach.Cb(X) ;est unifère il en est de même deC0(X)si, et seulement si,Xest compact.
EXEMPLE 3Nous avons vu en 4.12, exercice 2, queL1(Rn)est une algèbre de Banach pour le produit de convolution. Elle nest pas unifère.
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ALGÈBRES DE BANACH ET SPECTRES Claude Portenier
Algèbres normées
6.1
EXERCICEOn peut montrer que`1(Z), muni du produit de convolution déÞni pour tout f, g∈`1(Z)par f∗g(k) :=Xf(k−l)·g(l) l∈Z est une algèbre de Banach unifère.
lCuadePortenierLAGÈRBESEDBNACAHE
pour toutk∈Z,
TSPECTRES
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6.2
Inversibilité dans une algèbre de Banach
6.2 Inversibilité dans une algèbre de Banach
Etant donné un opérateur bornéTdans un espace de BanachF, nous allons essayer de résoudre une équation du type (Id−T)ϕ=ψ, ψ∈Fétant donné. On peut la mettre sous la forme Tϕ+ψ=ϕ, ce qui montre queϕ∈Fest solution de cette équation si, et seulement si,ϕest un pointÞxe de lapplication Φ:ϕ7−→Tϕ+ψ. Si lon essaye dutiliser la méthode des approximations successives déÞnie parϕ0:=ψet ϕk+1:=Φϕk=Tϕk+ψ, on voit immédiatement par récurrence que k ϕk=XTlψ. l=0 Cela revient à considérer la série géométrique ∞ XTl l=0 dansL(F), ditesérie de Neumann. LEMMESoientAune algèbre normée eta∈A. La suite³°ak°k1´k∈N∗converge vers 1 infk∈N∗°ak°k. Siaestnilpotent, i.e.an= 0pour un certainn∈N, le lemme est évident. Nous pouvons donc supposer que°ak°>0pour toutk∈N∗. Lentierm∈N∗étantÞxé, pour toutk∈N∗, il existep(k), q(k)∈Nunivoquement déterminés tels que k=p(k)·m+q(k)et06q(k)< m. Il vient alors donc Ainsi puisque
6.2 Inversibilité dans une algèbre de Banach Montrons par récurrence que, pour toutϕ∈C([a, b]),k∈Netx∈[a, b], on a ¯Kkϕ(x)¯6kκkk∞· kϕk∞·(x−k!a)k. Cette inégalité est évidente pourk= 0et on a ¯Kk+1ϕ(x)¯=¯Zaxκ(x, y)·Kkϕ(y)dy¯6kκkk∞+1· kϕk∞·Zax(y−k!a)kdy= =kκkk∞+1· kϕk∞·(x(k−+a1)k)+!1, ce quil fallait démontrer. Ainsi °Kk°6k1!· kκkk∞·(b−a)k, et par suite ρ(K) = infk°Kk°1k= infkkκk∞(k·)!(1kb−a0=). Ceci montre queKest quasi-nilpotent. Pour toutψ∈C([a, b]), léquation x ϕ(x) =Zaκ(x, y)·ϕ(y)dy+ψ(x)pourx∈[a, b] sappelle léquation intégrale de Volterra. Le théorème montre donc que cette équation possède une unique solutionϕdonnée par la formule −1ψ=X XKlψ; ϕ= (Id−K)Ãl=∞0Kl!ψ=l=∞0 la dernière série converge dansC([a, b]), cest-à-dire uniformément sur[a, b]. Comme(Id−K)−1est un opérateur borné, la solutionϕdépend continûment deψ.
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ALGÈBRES DE BANACH ET SPECTRES
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Claude Portenier
Le spectre dans une algèbre de Banach unifère
6.3 Lespectre dans une algèbre de Banach unifère
6.3
PROPOSITIONSoitAune algèbre de Banach unifère. Le groupeG(A)des éléments in-versibles deAest ouvert et lapplication a7−→a−1:G(A)−→A est continue. Soitb∈G(A). Pour touta∈A, on a alors a=b−(b−a) =b£e−b−1(b a)¤. − Sika−bk<kb−11k, alorse−b−1(b−a)∈G(A)par le théorème 6.2, donca∈G(A)et on a £b b−1(b−a)¤lb−1. a−1=Ãl=∞X0−1(b−a)¤l!b−1=b−1+l=X∞1£ Ceci montre que la boule ouverte de centrebet de rayonkb1−1kest contenue dansG(A). Cet ensemble est donc ouvert et on a 2 · °a−1−b−1°6°l=∞X1£b−1(b−a)¤lb−1°6l=∞X°b−1°l+1kb−akl1=k−b−k1bk−1k··kbkb−−akak, 1 ce qui prouve la continuité dea7−→a−1enb.¤
REMARQUE 1pratique de la manière suivante :Ce théorème est utilisé en Soita∈A. Si lon sait queaest inversible, mais si le calcul de son inverse nest pas possible directement, on essaye de trouver une suite(ak)k∈N⊂Adéléments bien connus qui converge versa. Alors, pour toutkassez grand, lélémentakest inversible et a−1= limka−1 k.
DEFINITION 1SoientFun espace de Banach et(ck)k∈N⊂F. On dit que ∞ ∞ Xwl·cl=Xcl·wl l=0l=0 est unesérie (formelle) entièredansF. SiZest un ouvert deK, on dit quune fonction f:Z−→FestanalytiquedansZsifest développable en une série entière convergente au voisinage de chaque pointz∈Z, i.e. sil exister >0et(ck)k∈N⊂Ftels que ∞ f(z+w) =Xcl·wlsi|w|< r. l=0 On trouvera dans le livre de J. Dieudonné [6], chapitre IX, toutes les informations nécessaires sur la théorie des fonctions analytiques à valeurs dans un espace de Banach.
Claude Portenier ALGÈBRES DE BANACH ET SPECTRES
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6.3 Le spectre dans une algèbre de Banach unifère DEFINITION 2SoientAune algèbre de Banach unifère eta∈A. On dit queλ∈Kest unevaleur spectraledea(par rapport àA) sia−λ·enest pas inversible dansA. On désigne parSpa(ouSpAa) lensemble des valeurs spectrales deaet on dit que cest lespectredea (dansA). REMARQUE 2Pour toutα∈K, on a Sp (a+α·e) = Spa+α. En effetλ∈Sp (a+α·e)est équivalent à ce quea+α·e−λ·e=a−(λ−α)·ene soit pas inversible, donc àλ−α∈Spa, i.e.λ∈Spa+α.¤ THEOREMESoientAune algèbre de Banach unifère eta∈A. AlorsSpaest fermé, lapplication R:K rSpa−→A:z7−→(a−z·e)−1, diterésolventedea, est analytique etSpaest contenu dans le disque de centre0et de rayon ρ(a). En particulierSpaest compact. SiK=C, alorsSpa6=∅et ρ(a) = maxλ∈Spa|λ|. Soitz∈/Spa. Pour toutw∈Ktel que|w|<kR1(z)k, lélément a−(z+w)·e= (a−z·e) [e−w·R(z)] est inversible par le théorème 6.2 et on a R(z) =XR(z)l+1l R(z+w) = [e−w·R(z)]−1(a−z·e)−1=Ãl=X∞0[w·R(z)]l!∞ w, · l=0 ce qui montre queK rSpaest ouvert et prouve lanalyticité deR. Si|z|>ρ(a), i.e. ρ¡z1·a¢<1, le théorème 6.2 montre quea−z·e=−z·¡e−z1·a¢est inversible. Si maintenantK=Cet|z|>kak, on a ∞ R(z) =−z1µ1z·a¶−1=−z1·l=0 ·e−Xal·z1l, (∗) donc kR(z)k6|1z|·l=∞X0µ|kza|k¶l=|1z|·1−1|kzak|. Ceci montre queRtend vers0à linÞni. SiSpa=∅, la fonctionRest analytique et bornée sur C, donc constante par le théorème de Liouville (Dieudonné [6], théorème 9.11.1). La fonction Rest donc identiquement nulle, ce qui est absurde, puisquon a e=aR(0) = 0. Dautre part la fonction Q:z7−→Rµ1z¶:C rSp1a−→A, 354 Claude PortenierALGÈBRES DE BANACH ET SPECTRES
Le spectre dans une algèbre de Banach unifère
6.3
en ayant poséQ(0) =R(∞) = 0, est analytique et son développement en0est ∞ Q(z) =−Xal·zl+1 l=0 par la formule(∗). Daprès la formule dHadamard, le rayon de convergence de cette série est 1 1 = 1. lim supkkakkkρ(a) Mais en appliquant le théorème 9.9.4 de Dieudonné [6], on obtient ρ1(a)>dµ0,S1¶ 1= f 1pa|λ|>ρ(1a), painλ∈Spa¯0−λ= ¯supλ∈S donc ρ(a) = supλ∈Spa|λ|= maxλ∈Spa|λ|, puisqueSpaest compact.¤ COROLLAIRE (Gelfand-Mazur)SiK=CetAest un corps, alorsA=C·e'C. Soita∈A. Il existe doncλ∈Spa, i.e.a−λ·enest pas inversible. CommeAest un corps, on doit avoira−λ·e= 0, donca=λ·e∈C·e. Lapplicationλ7−→λ·e:C−→A est donc bijective et cest évidemment une isométrie.¤ EXEMPLE 1SoitXun espace compact. Montrer que, pour toutf∈C(X), on aSpf= f(X). Il suffit de remarquer que, pourz∈K, la fonctionf−z·1est inversible, si, et seulement si,f−z·16= 0partout, i.e.z∈/ f(X).¤ EXEMPLE 2SoitAune algèbre unifère. Pour touta, b∈A, on a Sp (ab)r{0}= Sp (ba)r{0}. Par symétrie, il suffit de prouver linclusionSp (ab)r{0}⊂Sp (ba)r{0}, cest-à-dire que si pourz∈C∗, lélémentba−z·eest inversible, il en est de même deab−z·e. Posons c:= (ba−z·e)−1. On a alors (ab−z·e) (acb−e) =a(bac)b−ab−z·acb+z·e=a([ba−z·e]c)b−ab+z·e=z·e et de même (acb−e) (ab−z·e) =z·e, ce qui prouve notre assertion.
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ALGÈBRES DE BANACH ET SPECTRES
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6.4
6.4 Transformation de Gelfand
Transformation de Gelfand
DEFINITION 1SoitAune algèbre commutative. On dit quune forme linéaire χ:A−→K est uncaractère(deA) si hχ|abi=hχ|ai · hχ|bipour touta, b∈A. LensembleSpA⊂A∗des caractères6= 0deAsappelle lespectre deA. Un caractère est donc un vecteur brahχ|. Puisque nous considérons essentiellement la semi-dualitéh A| A~i, nous utiliserons aussi les vecteurs ket|χi, qui sont des caractères semi-linéaires. Ainsi suivant les cas nous auronsSpA=hSpA|⊂A0ou bienSpA=|SpAi⊂A (cf. exemple 3.4.2).
REMARQUE 1SiAest unifère et sihχ|ei= 0, on a hχ|ai=hχ|aei=hχ|ai · hχ|ei= 0, doncχ= 0. Par suite siχ∈SpA, on a hχ|ei=hχ|eei=hχ|ei · hχ|ei, donc
hχ|ei= 1.
DEFINITION 2SoitAune algèbre commutative unifère. On dit quun sous-espace vectoriel IdeAest unidéalsiAI⊂I. Il est ditmaximalsie∈/I, i.e.I6=A, et si pour tout idéalJ tel quee /∈J⊃I, on aI=J.
REMARQUE 2Siχest un caractère, alorsKerχest un idéal maximal. En effetKerχest un idéal, puisque hχ|abi=hχ|ai · hχ|bi= 0pour touta∈Aetb∈Kerχ. On a évidemmente∈/Kerχ. Ce noyau étant de codimension1, cest un idéal maximal.¤
REMARQUE 3SiIest un idéal, alorsA/Iest une algèbre. SiIest maximal, alorsA/I est un corps. Rappelons que la multiplication dansA/Iest déÞnie par[a] [b] := [ab], ceci ne dépendant évidemment pas du choix des représentants. Montrons la seconde assertion. Si[c]∈A/Ir{0}, on ac /∈I, doncAc+Iest un idéal contenant et différent deI; cet idéal est donc égal àA, doù lon tiree=ac+bpour certainsa∈Aetb∈I. Ainsi[e] = [a] [c], ce qui montre que[c] est inversible.¤
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ALGÈBRES DE BANACH ET SPECTRES Claude Portenier
Transformation de Gelfand
6.4
THEOREME (de Gelfand)SoientAune algèbre de Banach complexe commutative uni-fère eta∈A. Pour queasoit inversible, il faut et il suffit que, pour tout caractèreχdeAon aithχ|ai 6= 0. Siaest inversible, on a hχ|ai ·+χ¯a−1®=+χ¯aa−1®=hχ|ei= 1, donchχ|ai 6= 0. Réciproquement sianest pas inversible, alorsAaest un idéal ete /∈Aa. Daprès le théorème de Krull il existe un idéal maximalIdeAcontenantAa. Remarquons que ce théorème est une application simple du principe de maximalité de Hausdorff. Par la continuité du produit dansA(cf. proposition 2.4), ladhérenceIdeIest un idéal deA. Mais comme Iest disjoint de louvertG(A)(cf. proposition 6.3), il en est de même deI, doncI=Ipar maximalité. Montrons maintenant queA/Iest une algèbre de Banach. Pour toutu, v∈A, on a k[u] [v]k= infc∈Ikuv+ck6infc,d∈Ik(u+c) (v+d)k6 6infc∈Iku+ck ·infd∈Ikv+dk=k[u]k · k[v]k. Cest aussi un corps par la remarque 2, doncA/I≈Cpar le théorème de Gelfand-Mazur. Il est alors clair que lapplication canonique hχ|:A−→A/I−≈→C est un homomorphisme dalgèbre, donc un caractère (linéaire) deA, tel quehχ|ai= 0, puisque a∈I.¤
EXERCICEbelles applications de ce résultat, en fait banal, est leUne des plus théorème de Wiener: Soitf:U−→Cune fonction continue dont la série de Fourier est absolument convergente. Sif6= 0partout surU, alors la série de Fourier def1est aussi absolument convergente. COROLLAIREOn a Spa={ hχ|ai |χ∈SpA}=hSpA|ai. En particulier chaque caractère est de norme1etSpAcomme sous-espace topologique deA est compact. En effet on aλ∈Spasi, et seulement si, il existe un caractèreχtel quehχ|a−λ·ei= 0, i.eλ=hχ|ai. CommeSpa⊂B(0,ρ(a)), on a |hχ|ai|6ρ(a)6kak, (∗) donckχk= 1, puisquehχ|ei= 1. AinsiSpAest contenu dans la boule unitéBAdeA, qui est faiblement compacte par le corollaire 3.11. Directement pour toutχ∈SpA, on a |hχ|ai|6kχk · kak6kak, donc SpA⊂YB(0,kak)⊂CA:χ7−→hχ||A, a∈A etQa∈AB(0,kak)est compact par le théorème de Tychonoff.