Auguste Comte et Herbert Spencer: Contribution ? l histoire des id?es philosophiques au XIXe si?cle
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Project Gutenberg's Auguste Comte et Herbert Spencer, by E. de RobertyThis eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and withalmost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away orre-use it under the terms of the Project Gutenberg License includedwith this eBook or online at www.gutenberg.netTitle: Auguste Comte et Herbert Spencer Contribution l'histoire des id es philosophiques au XIXe si�cle � �Author: E. de RobertyRelease Date: October 16, 2005 [EBook #16888]Language: FrenchCharacter set encoding: ISO-8859-1*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK AUGUSTE COMTE ET HERBERT SPENCER ***Produced by Marc D'HoogheFrom images generously made available by Gallica(Biblioth que Nationale de France) at http://gallica.bnf.fr.�AUGUSTE COMTE ET HERBERT SPENCERCONTRIBUTION A L'HISTOIRE DES ID ES PHILOSOPHIQUES AU XIXe SI� CLE �ParE. DE ROBERTYPARIS1894 * * * * *INTRODUCTION [p.V]Dans le remous des id es g n rales, dans la fluctuation des vues � � �d'ensemble, dans le va-et-vient des syst mes qui, pour un court espace �de temps, r ussissent grouper les croyances, � retenir et fixer les � �convictions, un ph nom ne s'observe, peu pr s invariable � travers les� � � ��ges.Il se d tache nettement du d� cor mobile qui l'encadre, il sollicite un � �haut point l'attention du sociologue.[p.VI] Il caract rise une phase int ressante de la vie mentale de� �l'humanit�, une p riode ne semblant pas, � ...

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Project Gutenberg's Auguste Comte et Herbert Spencer, by E. de Roberty This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.net
Title: Auguste Comte et Herbert Spencer  Contributionl'histoire des ides philosophiques au XIXe sicle Author: E. de Roberty Release Date: October 16, 2005 [EBook #16888] Language: French Character set encoding: ISO-8859-1 *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK AUGUSTE COMTE ET HERBERT SPENCER ***
Produced by Marc D'Hooghe
From images generously made available by Gallica (Bibliothque Nationale de France) at http://gallica.bnf.fr.
AUGUSTE COMTE ET HERBERT SPENCER CONTRIBUTION A L'HISTOIRE DES IDES PHILOSOPHIQUES AU XIXe SICLE Par E. DE ROBERTY PARIS
1894
                                   * * * * *
INTRODUCTION [p.V]
Dans le remous des ides gnrales, dans la fluctuation des vues d'ensemble, dans le va-et-vient des systmes qui, pour un court espace de temps, russissentgrouper les croyances,retenir et fixer les convictions, un phnomne s'observe,peu prs invariabletravers les ges. Il se dtache nettement du dcor mobile qui l'encadre, il solliciteun haut point l'attention du sociologue. [p.VI] Il caractrise une phase intressante de la vie mentale de
l'humanit, une priode ne semblant pas,vrai dire, devoir se clore bientt. Elle embrasse la prhistoire entire de la philosophie, la suite continue de sicles qui, aprs avoir fondles religions, s'adonnrentla culture des abstractions mtaphysiques. Durant la longue enfance de la philosophie, ce phnomne demeura normal dans l'acception usuelle du mot. Il se reproduit encore sous nos yeux; mais djdes traits pathologiques le dforment. Il consiste essentiellement dans la rencontre de deux grandes ondes crbrales qui se dirigent en sens inverse: le _monisme et _ _ _ �� �er l' agnosticisme . L'esprit de synth se s' puisa vouloir les refoul dans le mme lit. Mais une srie intermittente d'affaiblissements et de triomphes, de dfaites et d'exaltations de la pense abstraite marqua cette entreprise immdiatement vaine. [p.VII] La philosophie du xixe sicle suivit les voies de la mtaphysique qui l'avait prcde et qui,son tour, s'tait modele sur les traditions monothistes des religions suprieures. Elle allia, d'une faonla fois inconsciente et profondment irrationnelle, la recherche de l'unitau dualisme de la connaissance. Elle fit revivre le plus prilleux et le plus dshonorant des illogismes. Nous emes dj, en des travaux antrieurs[1], l'occasion de relever quelques traits dterminant cette antinomie fondamentale; celui-ci, par exemple: que les tentatives de synthse universelle dues aux efforts des plus notables parmi les penseurs contemporains, les Kant, les Comte, les Spencer,tablissaient une objectioncrasante contre leur agnosticisme, formel ou latent. Nous ne jugeons que par contraste, disions-nousce propos, et le noir ne se peroit vraiment [p.VIII] noir que s'il s'tale ctdu blanc. Ainsi du monisme qui, en tant que vritd'ordre particulier, psychologique, sertdvoiler le vice cachdes mthodes gnrales du philosophe. On blesse les loislmentaires de la logique en accouplant la thse qui affirme l'unitdernire des choses et celle qui constate notre impuissance de scruter le fond immuable de la nature. Et par surcrot, on s'expose aux dures reprsailles prvues par la loi de l'identitdes contraires. On tombe dans l'erreur qui consisteprendre la ngation de l'unit, de la connaissance pure et abstraite, l'incognoscible, pour quelque chose de distinct, de rellement spardu monde phnomnal. Sous ce rapport, ajoutions-nous[2], les philosophies se groupent en deux grandes classes. Dans l'une on trouve Dmocrite, Giordano Bruno, Spinoza, Leibnitz, Fichte, [p.IX] Hegel, Schopenhauer, Spencer, tous les esprits assez audacieux pour s'imposer la tche difficile de corriger l'agnosticisme par le monisme, un excs de prudence par un excs de tmrit. Et dans l'autre viennent se ranger Socrate, Aristote, Bacon, Descartes, Locke, Hume, Kant, Comte, tous les penseurs dont le monisme, moins catgorique, moins affirmatif, s'accompagne, par suite, d'un agnosticisme logiquement moins dfectueux ou mieux motiv. Dans cette double srie nous choisissons aujourd'hui les termes ultimes; et, remplissant une promesse contenue dans l'avant-propos de notre dernier ouvrage, nous allons examiner les deux thories extrmes oversa, en son enqute sur l'unitdu monde, la philosophie contemporaine. Toutefois, il ne sera pas inutile, croyons-nous, de faire prcder cettetude par un expossommaire de quelques vues gnrales. _ _ Elles visent les relations qui s'observent [p.X] entre l' agnosticisme __; l'un, principal apport du passui et l' exp rience religieux, apport q semble vouloir s'arroger, dans la production philosophique de nos jours, le rle inhibitoire et misoniste jou, dans un autre ordre d'activit, par le Capital; l'autre qui, comme nous tcherons de le prouver, se confond intimement avec la poursuite monistique et figure assez bien, dans l'antinomie conceptuelle prtendue insoluble, les ambitions
rnovatrices du Travail. _ _ Paris, en avril 1894.
NOTES: [1] _Agnosticisme_, pp. 72-73, 107-113, et _La Recherche de l'Unit_, passim. _ _ [2] Agnosticisme , pp. 112-113.
* * * * *                                    
AUGUSTE COMTE ET HERBERT SPENCER [p.1]
                                   * * * * * LIVRE PREMIER LE PROBLME DU MONISME DANS LA PHILOSOPHIE DU TEMPS PRSENT
* * * * *                                    
I
Le caractre dominant du positivisme, letrait proprequi valutcette doctrine tant de disciples enthousiastes, est aujourd'hui sainement apprcimme des adversaires. Ceux-ci, en effet, admettent djvolontiers que la philosophie positivervle un sentiment beaucoup plus vif qu'on ne l'prouvait auparavant : 1de la liaison _ _ des choses, et 2des [p.2]limites infranchissables qui bornent nos connaissances. Le positivisme s'affirmerait doncla fois comme un monisme plus radical et comme un agnosticisme plus accentuque les conceptions philosophiques qui le prcdrent et le prparrent. Je souscris entirementla seconde caractristique. Quantla premire, je ne saurais l'accepter sans des rserves expresses. Par sa belle classification des sciences spciales, par la conscration qu'il apporteune science nouvelle, la sociologie, si admirablement soude par luila srie inorganique et biologique, puis considre comme le terme final de nos connaissances abstraites, Auguste Comte dveloppe, en effet, un genre de monisme fort injustement dlaisspar ses prdcesseurs et trs capable, en somme, d'impressionner un sicle comme le ntre,la fois glorieux de ses grandes dcouvertes et fatigu, presque rassaside ses succs scientifiques. A la foule croissante des espritsclairs ce [p.3] matre de la pense contemporaine laisse entrevoir le triomphe possible d'uneunitcrbrale, comme il l'appelle, fonde sur les donnes certaines de la science. Par malheur, Comte ne se borne pasdclarer la guerre au seul monisme transcendant. L'erreur ctoie chez ce philosophe le plus juste sentiment critique et le pousseenvelopper dans la mme proscription l'unitpure, l'unitrationnelle, ostensiblement confondue par lui avec la chimre mtaphysique.
Il n'y avait, certes, ni sagesse, ni grande clairvoyancelever ainsi la hache sur les racines profondes du monisme scientifique dont on voulait favoriser l'closion. Les ambages et les ttonnements de Comte devaient, du reste, flatter les gots et satisfaire les prjugs de ces majorits vaguement instruites aux yeux desquelles l'indcision passe presque toujours pour un signe de prudence, pour une temporisation habile. Trois forts courants intellectuels s'introduisent [p.4]manifestement dans l'ensemble de l'oeuvre d'Auguste Comte; trois grandes ides directrices se dgagent de la philosophie positive comme son rsum, son rsidu, son enseignement suprme, son legs dfinitif auxges futurs. Ce sont, dans l'ordre hirarchique de leur puissance respective: 1le courant agnostique , le plus consid rable, le plus violent de tous, ou _ __ __ ___ l'id e de limite ; 2 le courant historique , ou l'id e d' volution , de progrs lentement gradu, s'effectuant par nuances insensibles, cela aussi bien dans les socits humaines que dans la nature vivante et le monde inorganique; enfin, 3le courant _monistique_, l'ide d' unitcrbrale, le point le plus faible, le moins dveloppdans la conception positive de l'univers. Envisagsoit comme doctrine pure, soit dans ses applications aux ncessits immdiates de la vie mentale, l'agnosticisme rgente tyranniquement les deux autres parties de la philosophie positive et surtout son troisime principe, le monisme, auquel, et nous le verrons plus [p.5] tard, l'intolrance des adeptes du _non possumus relativiste _ ne laisse, pour ainsi dire, qu'une ombre d'existence, un rlepeu prs drisoire. Littrfait trs bien ressortir l'intransigeance de son matre. Il le dit en propres termes: Pour le philosophe positiviste, l'univers cesse de se montrer concevable en son ensemble et se scinde en deux parts, l'une connue ou plutt connaissable selon les conditions humaines, l'autre inconnue ou plutt inconnaissable, soit dans la dure de l'espace, soit dans celle du temps, soit dans l'enchanement des causes. Cette sparation entre l'accessible et l'inaccessible est la plus grande leon, que l'homme puisse recevoir, de vraie confiance et de vraie humilit.--Et presque aussitt il ajoute ces lignes significatives:Il ne faut pas considrer le philosophe positif comme si, traitant uniquement des causes secondes, il laisse libre de penser ce qu'on veut _ des causes premires_. Non, il ne laisse l-dessus aucune libert; sa dtermination [p.6] est prcise, catgorique et le spare radicalement des philosophies thologiques et mtaphysiques.Voildes dclarations nettes. Ellesmanent du disciple qui se posa pour rgle de ne jamais dpasser les conceptions du matre, qui souvent mme se glorifia d'avoir su les restreindreleur expression premire. Il suffit, d'ailleurs, d'ouvrir le Cours de philosophie positive pour se convaincre de la _ _ fidlitscrupuleuse apporte par Littr l'interprtation de la doctrine de Comte. Mais que penser alors de l'objection qui nous fut faite dernirement et qui consistesoutenir quenulle trace de pessimisme intellectuelne s'observe chez Comte; ou encore que l'inconnaissable de ce philosophe, rsultant des limites rencontres par l'exprience, et non de l'analyse subjective de l'esprit, n'est l'objet d'aucune religiositet diffrepeine de l'inconnu?[3] [p.7] Bornons-nousenregistrer ici cette opinion. Le second principe directeur du positivisme, l'ide d'volution, revt une allure magistrale dans la partie sociologique de l'oeuvre de Comte. La filiation ininterrompue des gnrations humaines, les lienstroits de pitet de gratitude qui, vritables points de suture, rattachent le prsent au pass, la rhabilitation despoques les plus dcries, la solidaritprofonde et durable grcelaquelle tout se tient et s'enchane dans le rgne humain, absolument comme dans le rgne
organique et, plus bas, plus au fond, dans le rgne inorganique,--ce noble ensemble de doctrines faisait de l'histoire des socits humaines le prolongement, le complment ncessaire de l'volution gnrale des choses. Sur ce point, Comte fut le prcurseur gnial de Darwin et de Spencer et le philosophe qui, l'un des premiers, ensemena le vaste champ ole xixe sicle leva une siblouissante moisson. Arme de ces deux thories, qui furent toujours [p.8] ses grands chevaux de bataille, la philosophie positive remporta, cela presque immdiatement aprs la mort prmature de son fondateur, une victoire rare et qui un jour paratra excessive. Sa popularit, son expansion rapideclipsrent la popularitet l'expansion des plus triomphantes coles du sicle, telles que le kantisme ou l'hglianisme, et dpassrent de beaucoup les succs et l'influence qui,d'autres poques,churent en partagedes philosophies trs srieuses, trs dignes d'attention, le monisme de Spinoza, par exemple, ou le mcanisme de Descartes, l'volutionnisme inchoatif de Leibnitz, le criticisme lmentaire de Hume. Ce point d'histoire ne saurait plus se nier aujourd'hui, surtout si l'on ramne, comme il convient de le faire,ses origines positivistes, l'intressante diversion philosophique opre par Herbert Spencer. Mais, ds lors, le positivisme apparat comme le rcipient central, le large rservoir latin ose dversent et d'osortent les principaux courants [p.9] philosophiques de notrepoque, depuis le criticisme germain qui, proprement, lui donna naissance, jusqu'l'volutionnisme anglo-amricain qui maintenant porte et rpand ses enseignements aux quatre coins du monde civilis. Mais pourquoi ou plutt comment la pense de cet obscur rptiteur de mathmatiques que resta sa vie durant Auguste Comte, parvint-elleconqurir etdominer ainsi tout un sicle? A nos yeux, la brusque entre des ides positivistes sur la scne du monde et leur triomphe facile s'expliquent par deux causes ou deux conditions essentielles. En premier lieu, ces idestaient celles mmes que prconisrent, en des formules varies dans la forme, mais pareilles au fond, une longue suite de philosophies prcdentes, toutes plus ou moins agnostiques, volutionnistes et monistes. La conception positiviste se bornarunir en un faisceau dogmatique ces tendances implicitement contradictoires. Elle [p.10] sembla de la sorte lever ou rsoudre une des plus vieilles, une des plus redoutables antinomies de l'esprit. En second lieu,--et nous attirons l'attention du lecteur sur ce _ eur_ de gnie; nous point,--Auguste Comte fut avant tout un vulgarisat employons ici ce terme dans son sens le plus large et le pluslev. Comte russitaccrotre,agrandir de faon notable la base humaine qui servait de support vivant aux doctrines, aux imaginations abstraites de la philosophie. Et cette diffrence, ce gain fut pris par lui en totalitsur les cerveaux qui subissaient encore le joug des conceptions religieuses, toujours plus concrtes que les philosophiques. Il dmocratisa, pour ainsi dire, la philosophie, il en fit l'apanage d'un flot montant d'intelligences humaines. Il rpandit plus abondamment que n'importe quel autre philosophe, et en des milieux nouveaux, la lumire qu'un petit nombre d'initis tenaient soigneusement cache sous le boisseau mtaphysique. [p.11] Il comprit ainsi admirablement sonpoque, l'esprit et les besoins de son temps. Il fut le fils lgitime--et, en son for intrieur, trs respectueux--du xixe sicle. Il se montra tel, du reste, de plusieurs faons. Il pressentit et devina les tendances expansives, les aspirationsgalitaires de la phase historique qui s'ouvrait devant lui, et il y satisfit de son mieux. Il adapta sa conception gnrale du mondela capacitintellectuelle des
nouvelles couches sociales conquises par la pense sous sa triple forme, philosophique, scientifique et esthtique. Il fut le vritable promoteur de cette maxime que l'un de ses plus authentiques disciples, Taine, se plaisaitrpter:Sans une philosophie, le savant n'est qu'un manoeuvre, et l'artiste qu'un amuseur. Et il vit venirlui la foule des savants, des publicistes, des esthtes, d'autant plus docilessa voix que celle-ci en appelait constamment au bon sens pratique des multitudes. Il fit plus encore. Il estimasa juste valeur [p.12] la qualitet la composition de la nourriture philosophique que rclamait le sicle. Il opra un choix sagace dans l'arsenal des conceptions surabstraites et des procds synthtiques du pass. Il s'attacha avec prdilection aux fruits djmrs d'une exprience plusieurs fois sculaire. Et cette nutritive moelle des philosophies prparatrices, il la tira moins des livres ou de l'tude minutieuse des mtaphysiciens, que de l'air ambiant, encore tout troublpar la grande secousse rvolutionnaire, que de l'observation immdiate d'une socitchaotique, tumultueuse, en gsine d'un idal nouveau. Il la tira aussi de son commerce patient, obstin, avec ce qu'il y a de plus grand, de plus sr et de plus sain dans notre civilisation instable, du commerce avec la srie totale des sciences particulires, mre des suprmes abstractions de l'esprit. Il fut ainsi conduitmarier l'agnosticisme qui reprsente le passreligieux de l'humanit, au monisme qui, reprsentant son avenir scientifique, [p.13] contient en germe la ngation formelle de l'inconnaissable. Et dans le mme cadre, sans prendre garde qu'il pouvait se briser en pices, il fit entrer, il maintint d'autoritune troisime synthse, la thorievolutionniste, figurative surtout de l'poque actuelle dont elle constitue, sans nul doute, la principale marque. Au surplus, l'exceptionnel gnie vulgarisateur de Comte se manifeste jusque dans la manire, qui lui est propre, de traiter les plus difficiles problmes. Je parle ici, bien entendu, de la mthode du positivisme, et non de la forme ou du style descrits de Comte, obstacle minime si l'on songe combien facilement il fut surmontpar le talent littraire des premiersvanglistes de la bonne parole. Je le rp m comme doctrine ette, commethode , l'oeuvre de Comte est toute _ _ _ _ _ _ de nivellement ; j'insiste sur ce terme auquel, d'ailleurs, je n'attache aucune ide pjorative et qui dans ma bouche ne prend, en nulle faon, le sens d'abaissement. [p.14] Comte n'a aucun souci d'approfondir les trois grandes thses qui forment les pivots sur lesquels s'appuie son entreprise philosophique. Iltend, il dveloppe la surface occupe par les problmes de l'agnosticisme, du monisme et de l'volutionnisme; il chercherendre ces questions abstraites accessibles aux intelligences moyennes, il leur donne un aspect pratique parfois trs sduisant, il invoque,chaque tournant de route, les tmoignages de la raison vulgaire, de l'exprience de tous les jours. Il est autoritaire, dogmatique, ainsi qu'il convientun penseur qui s'adressela foule. Il est le moins sceptique, le moins dlicat, le moins raffin, mais aussi le moins calculateur, le plus sincre, le plus naf des philosophes. Il est d'une bonne foi entire, admirable. Il se garde comme du plus grand des malheurs, comme d'un pchirrmissible, de creuser les questions pralables, de scruter les principes, les points de dpart, d'aller au fond des choses. Il est l'ennemi jurde la subtilit[p.15] qu'il envisage comme la vraie tare mtaphysique. Au point de vue utilitaire, il a mille fois raison, puisque dans les vastes landes encore incultes, dans les jachres de la connaissance, telles que la psychologie ou la sociologie, ilchappe de la sorte au verbiage oiseux,l'aiguisement inutile du tranchant de la pense, qui ensuite se prodigue en pure perte. Mais, thoriquement, sa position cesse d'tre aussi bonne. Car
les sciences suprieures ne restent pas stationnaires, et leurs acquts ne sont pas tous dusl'observation pure et simple. L'lment rationnel y entre pour une part qui va en augmentant. L'hypothse, l'abstraction et la gnralisation y jouent un rle de plus en plus considrable. En dfinitive donc, il y a lieu, croyons-nous, de reconnatre cette vritd'ordre exprimental: par le positivisme la philosophie--une philosophie srieuse--fut pour la premire fois misela porte d'une trs forte majoritd'esprits. Historiquement parlant et [p.16] jugeant, un grand progrs s'est accompli par l. La dmocratie intellectuelle,--cration, en somme, heureuse de notrepoque, puis-qu'elle permet les longs espoirs dans l'avenir destructeur des iniquits sociales,--la dmocratie de l'esprit, dis-je, en fut du coup ennoblie,pure, moralise. Uncrivain qui appartient aux jeunes gnrations sur lesquelles nous pouvons srement compter, l'affirme en ces termes nets (et je l'en flicite):Le positivisme n'effarouche que les consciences troubles dont il dnonce les basses convoitises; toute la noblesse de l'homme s'irradie de son esprit[4]. Mais il y a mieux peut-tre, au regard des contingences futures. Sorties des nuages mtaphysiques ose cachait leurclatante nudit, les trois grandes thories hypothtiques (vrits ou erreurs, il n'importe): l'agnosticisme, le monisme et l'volutionnisme, sont aujourd'hui descendues sur terre. Divinits autrefois [p.17] si farouches, elles s'humanisent visiblement; elles ne demandent qu'subir la terrible preuve, elles veulent bien devenir fcondes du fait de la science particulire. Faut-il ajouter qu'une orientation rcente de la philosophie,tiquete par la critique adverse comme _hyperpositivisme_ etlaquelle on me fait l'honneur d'associer mon nom, que cette orientation consiste essentiellementprter,l'oeuvre naturelle et invitable d'un tel ensemencement scientifique, l'aide jusqu'ici ddaigne destudes, des expriences spciales dans les domaines limitrophes de la biologie, de la sociologie et de la psychologie? Et faut-il rappeler que le premier rsultat de ces efforts encore si incertains fut de rejeter du positivisme l'lment mystique, et en mme temps de conserver, de raffermir, de dvelopper ses deux autres principes constitutifs?[5]
                                   * * * * *
II [p.19]
La philosophievolutionniste nous dcouvre une autre face de la contradiction fondamentale entre l'agnosticisme et le monisme. Destine, au dire de ses adeptes,rvolutionner la philosophie, la science, l'art et jusqu'la vie collective, cette grande doctrine prtend inaugurer une mthode neuve, originale. Infiniment soucieuse des racines et des commencements, elle suitla trace, elle note avec soin, travers les temps et les milieux, la marche graduelle des choses et destres. Mais l'histoire de tous lesvangiles se ressemble, [p.20] d'une faontonnante. Celui que divulguent aujourd'hui les aptres de l'volution s'accompagne d'une esprance robuste, d'une foi nave. Ainsi voque-t-il le souvenir de la bonne nouvelle qui, partie jadis d'une infime bourgade de Jude, rayonna dans le monde antique. Un Dieu nous est n, annonait-on alors avec un enthousiasme plus sincre et plus communicatif sans doute, mais de nature pareillel'engouement contemporain, et un chemin foncirement nouveau s'ouvre au salut de l'me humaine. On oubliait, on ngligeait un dtail qui ne manque pourtant pas d'importance: les incarnations divines prcdentes, le
grand souffle bouddhique de charit, le courant d'amour universel entranant et sauvant des millions d'mes anctres! L'illusion du vieux-neuf est tenace dans l'humanit; aucune croyance ne l'vite. Elle se loge au coeur mme de la thorie qui aspirela dissiper en l'expliquant, elle s'empare de la doctrine qui enseigne que tout a son germe [p.21] en tout. Mais, brouillant la vue claire du pass, elle empche de saisir le sens direct des modalits prsentes. Il est peut-tre temps de mettre un peu d'eau dans le vin qui enivre les volutionnistes. Non, leur fameuse thse n'est pas le verbe nouveau qu'ils disent, la lueur subite venant illuminer les sciences connexes de la vie, de l'me et des socits humaines. C'est l, au contraire, une vrittrs ancienne, trsprouve et trs gnrale, qui suscita des luttes innombrables, qui eut ses priodes de vigueur et sespoques de dfaillance, sesclipses et ses rapparitions triomphales;--une vrit, en somme, qui, loin d'imposernotre esprit une discipline et des rgles jusque-linconnues, le contraint pluttsuivre docilement, en ses explorations rcentes, la voie scientifique depuis longtemps ouverte. Les choses et leurs apparences, les phnomnes, coulent, changent, deviennent,voluent: nul dogme d'envergure plus vaste ne [p.22] prcda cette gnralisation solidementtablie par la science du nombre, par la mcanique cleste et terrestre, par la physique et la chimie rudimentaires. Le concept de mouvement qui relie et unifie ces diverses recherches, nous apportecetgard un tmoignage irrcusable; car c'est au mcanisme que les thoriesvolutives modernes, forces dans leurs derniers refuges mtaphysiques, ramnent les changements quelconques et les mutations d'existence si allgrement rsums par elles en leur vocable prfr. Un second tmoignage, et non moins prcieux, nous est fourni par la mtaphysiquedifiant sur le concept du devenirune foule de dductions extrmement ingnieuses. Mais d'opouvait-elle tenir ce concept central, sinon de l'exprience contemporaine, et comment, sans l'appui des hypothses particulires, des spculations scientifiques de l'poque, et-elle russimaintenir des affirmations aussi hasardes? On dsavoue et condamne l'esprit mme de la doctrine [p.23]volutionniste en supposant possible une brche, une solution de continuitde cette sorte. L'ide d'un dveloppement successif apparat comme une des plus vieilles notions qui dirigrent le savoir particulier. C'estce dernier que la mtaphysique emprunta l'abstraction correspondante. Succdantla thologie, elle installa sur les ruines des croyances confusment intgrales des premiersges de la pense, la diffrenciation classique destrois devenirs,--celui de la matire ou du mouvement, celui de la vie ou de la sensation, et celui de l'esprit ou de l'ide. Mais la science la plus primitive et la mtaphysique la plus purile se sont toujours inspires d'un autre principe encore, que toutes deux plaaient, clans l'chelle abstractive, au-dessus de l'ide d'volution, et que toutes deux considraient, par le fait, comme le but suprme de la connaissance. Je veux parler du concept d'unit. L'ide d'volution offrait un moyen sr pour [p.24] ramener la multipliciteffective des phnomnesleur identitessentielle. Le principe infrieur symbolisait l'ensemble des mthodes rationnelles capables de nous conduireune telle fin. Il se pliait de lui-mme aux exigences du principe suprieur. On entra donc de prime abord et rsolument dans la voie monistique. Le devenir, diffrentiel et multiple par dfinition, de l'tre toujours un et semblablelui-mme, ou, en d'autres termes, l'unitde l'univers et son explication scientifique la plus plausible, l'volution des
choses, se prsentent ainsi, avecvidence, comme les deux grandes ides rgulatrices de toute spculation gnrale. Un rapport logiquement ncessaire, exprimentalement vrifiable, relie l'ide d'unit , l'ide d'volution. Si l'une constitue l'me de la philosophie, l'autre en forme le corps, la condition apparente, le revtement sensible. Accumuler les donnes et les faits diffrentiels, multiplier les expriences, se servir de l'ide d'volution sans perdre de vue la fin unitaire [p.25] suprest, tel demeure le lot de la scienceme, tel imparfaite. Quantl'idal,la science paracheve, elle souhaite la fusion intime de ces deux principes d'abord vaguement distingus et plus tard poss, par l'analyse verbale, comme contraires rels. La mcanique s'appuie sur la base des mathmatiques, la physique s'taye des vrits mcaniques, la chimie se dveloppe sur les fondements tablis par la physique; et la srie se prolonge pour toutes les crations mentales venuestemps sur la pente qui conduit l'esprit du plus connu au moins connu, des apparences simples etlmentaires aux apparences complexes et difficiles. Par contre, la discipline qui ne voulut pas se conformercette marche ncessaire ignora, de parti pris, l'ide d'volution. Toute science htive et prmature prtendit pouvoir se passer de la mthode exprimentale, de l'examen attentif des faits concrets, individuels. Telles s'offrentnos yeux la biologie avant l'panouissement des connaissances [p.26] physico-chimiques, et, a _ _surtout fortiori , la sociologie et la psychologie; et telle se d voile la synthse philosophique qui jamais ne ralisa les conditions exigibles d'une formule savante de l'univers. Conception btarde, rivale djtrop faible de la thologie plus simpliste, plus vivante, elle se spara des sciences pleinement constitues et se rapprocha des branches naissantes du savoir. Elle conclut avec celles-ci une alliance sitroite qu'certainespoques il ettvraiment difficile de dire, par exemple, ofinissaient la psychologie et la morale, la rgle sociologique, et ocommenait l'ontologie, la thorie des principes essentiels du monde. Aussi cette sorte de philosophie demeura-t-elle longtemps, sinon hostile au principevolutif etla mthode exprimentale, du moins incapable de faire fructifier le premier, ou d'appliquer srieusement la seconde. La progression de l'ide moniste enprouva un retard sensible. Cet effet ne pouvait manquer de se produire, puisque le principevolutif [p.27] jouel'gard de l'ide d'unitle rle d'un coefficient qui en dcuple la valeur. Le monisme scientifique s'arrta mme brusquement dans sa marche vers le conqute de l'inconnu; il n'osa pas franchir les cueris mystrieux qui se dressent entre le monde de la vie et la nature inorganique. Et le monisme philosophique, dviant de plus en plus de la route qui mnel'unitrationnelle, finit par se transformer en un monisme transcendant[6]. Tout celatait invitable. L'ide d'unitou d'identitsert de principe rgulateurnotre savoir, et l'ide d'volution constitue notre mthode la plus efficace pour justifier et vrifier ce critrium suprme. Car l'unitse pose tout d'abord en postulat, en hypothse; mais peupeu elle se transforme en vritd'ordre exprimental et rationnella fois. Ces deux grandes ides devaient donc, forcment, traverser la mme crise et subir la mme altration. [p.28] Plus haut, nous n'avons pas nila ralitdu mouvement intellectuel qui entrana dans le sillage mtaphysique le tronon isoldes sciences dites suprieures. Mais nous n'y pouvons voir qu'une agitation factice et infconde, et quelquefois mme un recul, un vritable retourl'ignorance des temps primitifs. En effet, un troisimelment formateur de la connaissance--ou dformateur, selon le point de vue--s'est toujours joint aux ides d'unitet d'volution et a tenu,leurs cts, une large place. Le savoir qui mritait ce nom par son dveloppement rgulier, acceptait
pour seul guide l'exprience. Iltait conduit par les ides d'volution et d'unit. Mais le savoir inchoatif et la mtaphysique qui l'accueillait avec faveur en lui donnant le pas sur les branches constitues de la connaissance, admettaient encore un troisime principe: l'ide de l'au-del, de l'universel mystre, fond intime des _ _ conceptions religieuses et de toute foi a priori . Ainsi [p.29] s'expliquent les nombreux essais qui prtendirent concilier l'infini, l'absolu, l'inconnaissable avec l'volution et l'unit. Ces tentatives devaient demeurer vaines, logiquement parlant. Mais elles remplirent de leur bruit l'histoire de la philosophie, elles donnrent naissanceune interminable suite de contrastes striles, d'affirmations surabstraites accompagnes de leurs ngations fictives, couplestranges qui tous drivent,videmment, de l'antinomie primordiale entre l'immanence (l'unitdvoile par l'volution des choses et destres) et la transcendance (l'en-dehors hyperphysique),--opposition quintessencie entre l'exprience et sa ngation pure, la non-exprience. Or donc, d'ovient et comment s'infiltre dans le cerveau de l'homme, comment s'imposela mtaphysique en particulier, l'ide de transcendance, destructive de tout vrai savoir envisagdans ses conclusions ultimes, et essentiellement limitative si l'on ne dpasse [p.30] pas les degrs intermdiaires, les gnralisations infrieures de la connaissance? A cette question nous rpondmes par deux fois: dans notre livre sur l' Inconnaissable_ et dans celui sur l'_Agnosticisme . La gense, les _ _ origines de cette ideclairent son action inhibitoire sur la pense. Elle est la survivance desges lointains de l'humanit, le reliquat des fausses certitudes, des illogismes, des craintes superstitieuses des tempscouls, le signe gnralvoquant l'ensemble des mthodes irrationnelles ose fourvoya l'esprit de recherche. Elle fut toujours et demeure encore, par consquent, une ngation directe de l'ide d'volution.
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III [p.31]
Rsumons brivement la double analyse prcdente. Trois ides-forces, pour parler comme M. Fouille, ont guidla � �__ __ t philosophie du pass . Les id es d' unit et d' volution appartiennen la science. Elles expriment le fonds propre de celle-ci, elles figurent ou symbolisent la recherche exprimentale. L'ide de l'_au-del_ appartientla mtaphysique qui la reut en hritage de la thologie. Elle forme l'apport atavique de l'ignorance primitive, elle figure ou symbolise l'incertitude initiale, insparable de l'esprit de crdulit. [p.32] Mais ces mmes ides directrices manifestent en outre deux tendances fondamentales qui, dans l'ordre intellectuel, s'opposent comme l'affirmation et la ngation, et, dans l'ordremotif, comme l'optimisme et le pessimisme du savoir. Certes, nous sommes loin de mpriser les avantages qui se peuvent retirer du pessimisme ou de la ngation contenus en de justes bornes. Nous sommes loin aussi de contester l'utilitrelative du mythe religieux. Mais cela ne saurait nous empcher de reconnatre la vritde l'observation selon laquelle l'agnosticisme, pntrant dans le milieu faonnpar les dcouvertes de la science, y dtermina toujours une forte fermentation mtaphysique. Dans la philosophie du temps actuel, ces trois grandes ides sont
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